CHAPTER FIVE

Fifth Chapter (Version D)

De L’espace 5

[LXII.]

1[96/102r/1] La question sur la nature del’espace estune des plus fameuses qui ait
partagé les philosophes anciens et modernes,
aussi est elle une des plus essentielles
par l’influence qu’elle a sur les plus
importantes verités dephisique et
de metaphisique.

2 Quelques uns ont dit, l’espace n’est rien hors des choses, c’est une abstraction mentalle, un etre ideal, ce n’est que l’ordre des choses entant qu’elles coëxistent D: Canceled, boxed note in margin: sans quelquechose que loccupe cela est il dune verité corecte et il ni a point despace sans corps, d’autres aucontraire
ont soutenu, que l’espace est un etre absolu, reel, et distinct des corps qui y sont placés, que c’est une Etenduë impal[-]pable, penetrable, non solide, le vase universel qui recoit les corps qu’on y place, en un mot un espece de fluide immateriel Etendu a l’infini, dans lequel les corps nagent, les premiers ont allegué plusieurs
raisonemens metaphisiques
pour soutenir leur opinion, etles
autres lidée que l’imagination se
peut former de l’espace,
ils ont apuié cette C: noti[on] idée
que limagination se forme de beaucoup d’objections

contre lopinion contraire tirées des phe

nomenes, et surtout [102v/2] dela dificulté quil ya que les corps semeuvent dans leplein absolu.

[LXXIII.]

3Le sentiment d’un espace distingué dela matiere, a été autre fois soutenu
par Epicure, democrite, et leucippe
qui regardoient lespace come un
etre incorporel impalpable, et
incapable daction etdepassion,
gassendi arenouvellé desnos jours
cette opinion, et lecelebre loke
dans son livre delentendemt humain
ne distingue lespace pur
des corps qui le remplissent que par la penetrabilité,
ce philosophe fait deriver la veritable notion de l’espace
de lavuë et du contact, par
ceque, dit il, on ne peut ni le voir
ni letoucher, mais on voit et on touche
les corps.

4 Mr. Keills dans son introduction ala veritable phisique
aussi bien que tous les disciples du
livre del’entendemt humain soutient
la meme opinion, et laprobation
de mr. neuton a fait embrasser ce sentiment aplusieurs matema
ticiens, cegrand home
auraport de mr. loke croyoit
quon pouvoit Expliquer lacreation

de la matiere

par lespace en se figurant que dieu

auroit rendu lespace impenetrable

et auroit empeche par la que les corps

C: ne pussent seplacer dans cet espace pussent sy placer
on voit dans son scholium generale

qui est ala fin de ses principes, C: ce grand philosophe qu’il
croyoit

que l’espace etoit l’immensité
de dieu, il lapelloit son sensorium dans son optique, cest adire, ce, par [97/103r/3] lemoyen dequoi dieu Etoit present a toutes choses.

[LXXIV.]

5Mr. clarke s’est donné beaucoup depeine pr soutenir Les sentimens demr. Neuton et les siens propres
sur lespace absolu contre
mr. deleibnits qui pretendoit que l’espace n’etoit que l’ordre des
choses coëxistantes.

6 Il est certain que si on consulte le principe dela raison sufisante
que jay Etabli, dans le
chapitre premier, on ne peut se dispenser
d’avouër que mr. de leibnits avoit raison de banir lespace absolu
delunivers etderegarder lidée
que quelques philosophes croient
en avoir, come une illusion de
l’imagination, car il est Evident
que si l’espace est un etre reel,
et subsistant sans les corps
et qu’on puisse les y placer, il est indiferent
dans quel endroit decett espace similaire on les place
pourvu qu’ils conservent
le meme ordre entre eux, ainsi
il ni auroit point eü de raison sufisante
pourquoi dieu auroit placé [103v/4] l’univers dans laplace ou il est maintenant plutot que dans toute
autre, puis qu’il pouvoit leplacer
10 mille lieuës plus loin, et mettre lorient ou est l’occident ou bien il pouvoit
le renverser
en faisant garder
aux choses lameme situation
entre elles, mr. clarke sentit bien laforce deceraisonemt
et ne put y oposer autre chose
sinon quela simple volonté de
dieu etoit laraison sufisante
de la place delunivers dans lespace
et quil ni enavoit point d’autre
mais on sent bien que cet aveu
fait crouler son opinion, et
decouvre le foible
de sa cause, car dieu ne sauroit
agir sans des raisons prises dans
son entendemt, etsavolonté
doit toujours se determiner
avec raison, ainsi etre obligé
derecourir aune volonté
arbitraire dedieu laquelle
nest point fondée sur une
raison sufisante cest etre
reduit a labsurde.

7 [99/104r/5] le raisonemt demr. deleibnits contre lespace absolu est donc
sans replique, etl’on est force
dabandoner cetespace si l’on
ne veut point renoncer auprincipe
dela raison sufisante, cest adire
au fondement detoute vérite.

[LXXV.]

8Il ya encore une grande absurdité adevorer dans l’opinion delespace
absolu, c’est que tous les attributs
de dieu lui conviennent, carcet
espace, sil etoit possible, seroit
reellemt, infini, immuable, incrée, necessaire,
incorporel, present partout [ou] et cest
enpartant decette suposition
que mr. raphson a voulu demontrer geometriquemt que lespace est un
attribut de dieu, et qu’il Exprime
son Essence infinie et illimitié cequi suit tres naturellement delasuposition

delespace absolu quand on la une fois acordée.

[LXXVI.]

9Quant aux objections que lon tire des phenomenes et surtout du mouve
ment contre leplein, ien parleray
dans lasuite, et ie ferai voir que les
objections nesont nullement des demonstrations, et que le mouvement n’est
pas impossible dans le plein, puisquil est certain quil ya un vide phisique cest [104v/6] adire une matiere qui ne
resiste point sensiblemt au mouve

ment.

[LXXVII.]

10Il ne sera pas hors depropos dexaminer icy coment ns venons
ans former les idées, del’etenduë
del’espace, et ducontinu, cet examen
servira a vs decouvrir la source
des illusions quel’on s’est fait sur
lanature del’espace, et a vs en
preserver al’avenir.

11 Nous sentons que lorsque ns considerons deux choses come differentes et
que ns les distinguons l’une del’autre
ns les plaçons dans notre esprit l’une
hors del’autre, ainsi ns voyons
come hors denous, tout ceque ns
regardons come diferent de
ns, les Exemples s’en presentent
en foule, si ns ns representons
dans notre imagination un Edifice que ns n’avons jamais
vu, ns ns lerepresentons come hors
denous, quoique ns sachions bien
que lidée que ns en avons Existe
en ns, et qu’il ni a peutetre rien
dexistant decet edifice hors de
notre idée, ainsi ns ns lerepresentons
come hors dens seulement parceque ns savons qu’il est different denous, [100/105r/7] de meme si ns ns representons idealemt deux homes, ouque ns
repetions dans notre esprit
la representation dumeme home
deux fois, ns les plaçons l’un hors
delautre parceque ns ne pouvons
point forcer notre esprit a
imaginer qu’ils sont un et deux
en meme tems.

12 Il suit dela que ns ne pouvons point ns representer plusieurs
choses differentes come faisant un
sans qu’il en resulte une notion
attachée acette diversité et acette
union des choses, et cette notion
ns lanommons Etenduë, ainsi ns donnons del’etenduë auneligne
entant que ns faisons attention
aplusieurs parties diverses que
ns voyons come
Existant les unes hors des autres
et qui sont unies en
semble, et font par cette raison
un seul tout.

13 Il est si vrai que la diversité et lunion font naitre en ns lidée del’etenduë, que quelques philosophes [105v/8] ont voulu faire passer notre ame pr quelque chose d’etendu parce
qu’ils y remarquoient plusieurs
facultés differentes, qui cependant
constituent un seul sujet, en
quoi ils se trompoient, car c’est abuser dela notion del’entenduë que de
regarder les attributs et les C: proprietés modes d’un etre, come des etres separés existans
les uns hors des autres, car ces

attributs et ces modes sont

inseparables del’etre quils modifient

et font un avec lui.

14 Puis que ns ns representons dans l’etenduë plusieurs choses qui Existent
ensemble etfontun parleur
union, toute Etenduë ades
parties qui Existent les unes
hors des autres et qui font un et des que ns ns representons des parties
diverses et unies ns avons la
notion d’un etre Etendu.

[LXXVIII.]

15Pour peu que l’on fasse attention acette notion del’etenduë, on saperçoit
que les parties deletenduë, considerées
par abstraction, et sans limites
ni figures ne doivent avoir
aucune diference interne, elles doivent
etre similaires etne diferer que parlenombre
car puisque pr former l’idée del’etenduë
on ne con sidere quela pluralité des choses
et leur union, d’ou nait leur Existence lune hors del’autre et que l’on Exclut toute
autre determination, toutes les parties etant les memes quant ala pluralité etalunion [101/106r/9] l’on peut substituer l’une ala place del’autre sans detruire
ces deux determinations dela
pluralité et de lunion auxquelles seules
on fait attention, et par consequent deux
parties quelquonques d’etenduë nepeuvent
differer qu’en tant qu’ils sont deux et non
pas une, ainsi toute letenduë doit etre
concuë, come etant uniforme, similaire,
et n’ayant point dedetermi nation interne
qui en distingue les parties les unes des
autres,
puis que transposées come on voudra, il en resultera toujours lememe etre
et cest dela que ns vient lidée delespace absolu que l’on regarde come similaire

et indiscernable.

16 Cette notion del’etenduë est Encore celle du corps geometrique, car quelon divise
une ligne come, et en autant departies
que l’on voudra, il en resultera toujours
la meme ligne en rassemblant
ses parties, quelque transposition que
lon fasse entre elles, il en est dememe
des surfaces et des corps geometriques.

[LXXIX.]

17[107v/12] Lorsque ns ns sommes ainsi formés dans notre imagination un etre dela diversité del’existence [103/108r/13] deplusieurs choses et de leur union l’etenduë qui est cet
etre imaginaire ns paroit distinct
du tout reël, dont
ns lavons separé par abstraction, et ns ns figurons quelle peut
subsister par ellememe entant, que ns
n’avons point besoin pr la concevoir des autres
determinations que les etres dont on
neconsidere pr former letenduë que ladiversité et l’union
peuvent renfermer, dautant plus que
ns sentons que ns avons la faculté
deramener notre attention ales autres
qualités et determinations dont ns avions
fait abstraction, et de les placer dans
cet etre ideal detenduë ainsi il doit paroitre anotre imagination que cette etenduë
les reçoit come un
fluide environne les corps qu’on y
jette, et parconsequent notre esprit
apercevant apart les deter
minations qui constituent Letre ideal que ns nomons Etenduë
et concevant ensuite les autres qualités
que ns enavons separés mentalement
et qui ne font plus parties del’idée
que ns avons decet etre, il ns semble
que ns portons toutes ces choses
dans cet etre ideal, que ns les y
logeons, etque letenduë les recoit
et les contient come un vase recoit
laliqueur qu’on y verse, ainsi, entant que ns considerons la possibilité [108v/14] quil ya que plusieurs choses diferentes puissent Exister ensemble dans cet
etre abstrait que ns nomons Etenduë ns ns formons la notion delespace
qui n’est en effet que celle del’etenduë
jointe ala possibilité derendre a
ces etres coextistens etunis dont elle
est formée, les determi nations dont
on avoit dabord fait abs
traction, ainsi l’on araison de
definir l’espace l’ordre des coexistans
c’est adire laressemblance dans lamaniere de coexister des etres
parceque l’idée delespace nait de ce
que l’on ne fait uniquemt attention qu’a leur maniere
d’exister l’un hors del’autre, et que l’on
serepresente que cette coëxis
tence deplusieurs etres produit un certain ordre ou
ressemblance dans leur maniere d’exister,
ensorte qu’un deces etres etant pris pr
lepremier, un autre devient lesecond,
un autre letroisieme &cc.

[LXXX.]

18On voit bien que cet etre ideal detenduë que ns formons dela pluralité et de l’union
detous ces etres doit ns paroitre
une substance, car entant que ns
ns figurons plusieurs choses Existantes
ensembles et depouillées detoutes determinations internes cet etre [104/109/15] ns paroit durable, et entant qu’il est possible par un acte del’entendemt
de rendre aces etres les determinations
dont ns les avions depoüillés par
abstraction, il ns semble alimagination que ns
y transportons quelque chose qui
ni etoit pas, et alors cet etre
ns paroit modificable, ainsi
ns sommes portés a ns representer l’espace
come une substance independante
des etres qu’on y place.

19[101/106r/9] Il est vray que leprincipe des indiscernables bannit toute matiere
similaire del’univers ainsi il nexiste
rien come cette etendue, que ns ns figurons, mais cela n’empeche
pas quedans les abstractions denotre
esprit ns ne puissions ecarter les determinations
qui ne contribuënt point acelle que ns
considerons, et qui parcette raison troubleroient nos raisonemens si ns y faisions attention.

20[LXXXI.]

21 [102/107r/11] Si les parties d’un composé sontrangées les unes auprés des autres dans un
tel ordre quil soit impossible d’en
ranger d’autres entre deux dans un
autre ordre, on apelle cecomposé continu, et generallement on concoit delacontinuité
partout ou on ne peut rien placer
entre deux parties, ainsi ns disons que
le poli dune glace est continu parce
que ns Read: ne na voyons point de parties non polies entre celles decette glace
qui en interompe lacontinuité, et ns apelons le
son d’une trompete continu lorsqu’il
ne cesse point, et qu’on ne peut point mettre
d’autres sons entre deux, aulieuque
l’interruption supose entre deux lexistence du
possible ou reelle dune partie
diferente des autres.

22 Mais lorsque deux extremités oudeux parties
detenduë setouchent simplement
et nesont point liées ensemble, ensorte
quil ni apoint deraison interne come celle de la cohesion ou des corps externes pourquoi on ne pouroit point les separer et
et mettre quelqu’autre chose entre deux, alors on les nomme contiguës, [107v/12] ainsi dans lecontigu laseparation des parties est actuelle, aulieuque
dans lecontinu elle n’est que possible
deux hemispheres de plomb, p E,
sont deux parties actuelles de la boule
dont ils sont les moitiés, et qui
est actuellemt separée et divisée
en deux parties, qui deviendront
contiguës si on les place auprés
lune delautre ensorte quil ni ait
rien entre deux, mais si on les reunis
soit par la fusion en un seul tout
ce tout deviendroit un continu et
ses parties seroient alors simplemt
possibles entant que lon concoit
qu’il est possible de separer
cette boule en deux
hemispheres, come avant lafusion.

23 On voit aisement par la, que l’on doit concevoir l’etenduë, come continué
car on vient de voir ci dessus que
pr ns former l’idée deletenduë on
concoit plusieurs choses diverses l’une
hors delautre, lesquelles ns considerons
come unies et come faisant un
seul tout, et par cette union ns otons
denotre idée lapossibilité demettre d’autres choses dans un autre ordre entre
deux, ainsi ns devons ns representer l’etenduë come continuee.

[LXXXII.]

24[104/109r/15] De meme il doit ns paroitre vide et penetrable, car il ns paroit vide
entant que ns faisons abstraction
detoutes les determinations internes
des coexistens, car alors il ns semble
qu’il nereste rien dans cet espace
et il ns paroit penetrable, parce
que ns etant possible d’apliquer notre
attention alafois alamaniere dexister, et
aux determinations internes des etres qui Existent
ns apercevons alors outre lespace
qui est leur maniere dexister lun hors de delautre
quelque chose que ns napercevions
pas auparavant lors que ns considerions cet espace seul, et par consequent
il doit ns paroitre come si ces choses y etoient entrées etyavoient été placées par un
agent externe.

[LXXXIII.]

25Dememe, lespace doit ns paroitre immuable [109v/16] car ns sentons que ns pouvons rendre aux diferens coextistens
les determinations dont ns les avions
depoüillés
et ns sentons C: deplus meme que ns ne pouvons jamais concevoir que ns ne
puissions point C: rendre aux etres coexistens les determinations dont ns les avons depoüillés leur rendre
ces determinations

ns ne pouvons

Not in C donc point oter lespace, puis quil faut
toujours quil reste lameme chose

que ns aurions otée, c’est adire

del’etenduë capable derecevoir

C: les determinations, dont ns avons depouillé par abstraction des Etres coexistens ces determinations, ainsi lorsque
ns avons depouillé les etres coexistans
detoutes leurs determinations
ns ne pouvons plus faire dabstraction
ni ns former un etre ideal qui
renferme moins quecelui que ns
avons deja fait en neconservant
quelacoexistence des etres, car
de considerer la maniere d’exister
etrien que cela, c’est lamoindre
abstraction quel’on puisse faire
et il faut oula garder, ou se
representer tout a fait rien, l’espace
doit donc ns paroitre immuable C: et Eternel parconsequent, pu[...]dou il decoule quil doit paroitre Eternel
puisquon ne peut jamais l’oter.

[LXXXIV.]

26Il doit aussi ns paroitre infini car ns admettons autant d’espace que
ns concevons de possibilité dExister
or come des coëxistens depoüillés detoutes determinations tels quon
les concoit pr se former lidée deletenduë etdel’espace, nerenferment [105/110r/17] rien qui empeche qu’on puisse continuer deplacer deces coexistens les uns
hors des autres, on enconcoit en effet
alinfini, et par cette raison l’espace
doit paroitre une étenduë infinie, et illimitée.

[LXXXV.]

27Voila lorigine detoutes les proprietés quel’on donne al’espace quand on dit
que cest une Entenduë similaire
uniforme, continu, subsistant par lui
meme, penetrable, immuable, Eternel,
infini &c, enfin levase universel
qui contient toutes choses, mais
avec un peu d’attention on voit
que toutes ces pretenduës proprietes
ainsi queletre dans lequel ns les
suposons n’ont derealité quedans
les abstractions denotre Esprit
et quil nexiste ni nepeut exister
rien desemblable acette idée.

[LXXXVI.]

28Notre esprit a donc le pouvoir de se former par abstraction des etres
imaginaires [106v/10] qui ne contiennent que les determinations que ns voulons Examiner
et dexclure toutes les autres
par Le moyen desquelles ces etres
peuvent etre conçus d’une autre maniere
cette façon de mediter est tres utile
car alors limagination secoure lentende
ment etlui aide acontempler son
idée, il faut seulement prendre garde quelle nelegare pas car
les notions imaginaires qui peuvent devenir dangereuses si on
les prend pr des realités aident infiniment dans
larecherche des verités
qui dependent des determinations qui
constituent ces etres que l’imagination a formés
ainsi quand on veut mesurer une

distance on peut sela representer come

une ligne sans largueur ni epaisseur et sans

aucune determination interne, on peut dememe

considerer unelargeur, une etenduë sans

epaisseur quand on neveut pas considerer le reste

decette maniere ces fictions

aident notre esprit
atrouver denouvelles verités et denouveaux raports car il a raremt asses de
force pr contempler les abstraits dans
les concrets, sans etre distrait par la
multiplicité des choses qu’il faut qu’il se
represente, aussi toutes les sciences, et sur
tout les mathematiques sont elles pleines
deces sortes de fictions qui sont un
des plus grands secrets del’art d’inventer
et une deplus grandes ressources pr
lasolution des problemes les plus difficiles
auxquelles souvent lentendemt seul nepeut
atteindre, ainsi il faut donner place a ces notions imaginaires toutes [-102/107r/11-] les fois quon peut les substituer ala place des notions reelles sans prejue
dice dela verité et ne les point rejetter
afin dene ns pas
fermer le chemin des decouvertes.

[§. LXXXVII.]

29[105/110r/17] Quoique ns puissions considerer letenduë sans faire attention aux determinations des etres qui la constituent, et que ns aquerions parce [110v/18] moyen lidée del’espace, cependant come labstrait nepeut subsister
sans un concret, cestadire sans un
etre reel et determiné duquel
on fait labstraction,
il est certain qu’il ni adespace
qu’en tant quil ya des choses reelles
etcoexistentes, etsans ces choses il
ni auroit point d’espace, cependant
l’espace n’est pas les choses memes, c’est
un etre qu’on en aformé par abstrac
tion, qui ne subsiste point hors
des choses, mais qui nest pourtant
pas lameme chose que les sujets dont
on a fait cette abstraction carces sujets renferment
une infinité dechoses qu’on a
negligé en formant lidée delespace
ainsi l’espace est aux etres reels,
come les nombres
aux choses nombrées, les quelles deviennent
semblables etforment chaquune une unités alegard dunombre
encequ’on fait abstraction deleurs
determinations internes, etquon ne
les considere qu’ent antqu’elles peuvent faire unemultitude, cestadire
plusieurs unités, car sansune multitude de choses qu’on compte il ni auroit [106/111r/19] point denombre reel et existant mais seulement desnombres possibles,
ainsi dememe quil ni apas plus d’unités
reelles quil ya dechoses actuellement
Existantes, il ni apas non plus dautres
parties actuelles del’espaces quecelles
que les choses Etenduës actuellemt
Existantes designent, et on nepeut admettre des parties dans l’espace
actuel qu’en tant quil existe des
etres reels qui coëxistent
les uns avec les autres, et il nest
point permis defeindre des parties
dans lemonde qui nesont point actuelles
etdel’existence desquelles on n’est
point assuré par l’observation, ainsi
ceuxqui ont voulu apliquer a
l’espace actuel les demonstrations
quils avoient deduit del’espace
imaginaire ne pouvoient manquer
desembarasser dans des
laberenthes d’erreur dont ils ne
pouvoient trouver l’issue.

[LXXXVIII]

30On apelle le lieu ou la place d’un etre sa maniere determinée de coexister avec les autres etres, ainsi lorsque ns faisons [111v/20] attention alamaniere dontune table Existe dans une chambre
avec la lit, les chaises, laporte &cc
ns disons quecette table aune place
et elle change deplace lorsqu’elle
obtient une autre situation a
legard decesmemes choses qu’on regar
decome n’en ayant point changé
et un autre etre ocupe laplace de
cette table lorsquil obtient la meme
maniere de coexister quelle avoit avec tous les
etres ainsi
pr qu’un etre ait changé delieu
reellemt il faut quelaraison
deson changement c’est adire
laforce soit enlui dans lemoment
quil se remuë, et non point
dans les coexistens, car si on ignore
ou est la veritable raison duchangemt
onignore aussi lequel deces etres a
changé deplace, c’est parcette
raison que ns navons point
de demonstrations proprement
ditte qui decide si cest lesoleil qui tourne autour delaterre, oula [107/112r/21] terre autour dusoleil, parceque les aparences sont les memes dans
les deux supositions.

[LXXXIX.]

31Ondistingue ordinairemt lelieu d’un corps, enlieu absolu, et
lieu relatif, le lieu absolu estcelui
qui convient a un etre entant qu’on
considere sa maniere d’exister avec
lunivers entier, consideré comme
immobile, et sonlieu relatif estla
maniere decoexister decet etre avec
quelques etres particuliers, ainsi
on peut concevoir quele lieu
absolu change sans que lelieu
relatif soit changé, etcela arrive
lorsque une certaine quantité detres particuliers
changent leur lieu absolu sans
changer leur situation les uns a
legarddes autres, come un home
qui navigue dans un batteau, P E,
car si cet home ni aucune chose de
cequi est dans lebateau neremuë
tandis que le bateau seloigne du
rivage, le lieu relatif decette home
etde toutce qui est dans lebateau ne change point, mais leur lieu absolu change [112v/22] atoutmoment, car toutes les parties dece bateau changent Egalement
leur maniere d’exister parraportau
rivage qu’on regarde come immobile
mais si cet home sepromenoit dans ce
bateau il changeroit sonlieu relatif
etsonlieu absolu en meme tems.

32 Puis quelelieu n’est que lamaniere d’exister d’un etre avec plusieurs
autres, on voit bien que le lieu
nest pas lachose placée ellememe
mais qu’il deffere dela chose placée
come un abstrait deson concret
car lors qu’on considere lelieu dun
etre on fait abstraction de toutes
ses determinations internes etdecelles
de ses coexistens, etns ne considerons
que leur maniere presente decoexister, et
sa possibilité decoexister en plusieurs
autres manieres, on fait meme
alors abstraction dela figure et
dela grandeur des corps, et lon considere alors
leur lieu come un point, car puisque ns determinons
la maniere d’exister dun etre par sa distance a cet coexistans [108/113r/23] et que ces distances sont mesurées par des lignes droites, les extremités des lignes etant des points, lelieu
doit etre consideré come un point.

[XC]

33On determine un lieu par
les destances dun etre a deux ou a

plusieurs Not in C etres coexistens, les quelles
dis tances ne peuvent convenir a

aucun autre etre dans lememe

moment, ainsi par Exemple on

determine un lieu sur la surface

delaterre, par lintersection dela

ligne delongitude et decelle de

latitude, parcequil ni aqu’un

seul point auquel cette distance

des lieux quel’on apris come fixes

pr entirer ces lignes, puissent

convenir, c’est delameme façon

que dans l’astronomie on determine

les lieux des Etoiles parlintersection

de deux cercles.

[XCI.]

34On sapercoit qu’un etre achangé
delieu lorsque sadistance adautres

etres que l’on sait etre immobiles du

moins pr ns, est changée, ainsi on

a fait des catalogues des fixes pr

savoir si un Etoile change delieu

parcequ’on regarde les autres come

fixes, et qu’eff ectivemt elles lesont par

raport ans.

[XCII.]

35On apelle place lassemblage deplusieurs lieux, c’est adire tous les lieux des
parties d’un corps pris ensemble, ainsi
ns disons, la place d’un livre dans une bibliotheque donton la tiré
parceque ns
voyons que dans cette place toutes les
parties de celivre y peuvent Exister
ensemble, et ns disons, il ni apas asses deplace, lorsque ns voyons que quelques
parties dece livre seulement y
pouroient Exister Ensemble.

[XCIII.]

36Enfin on apelle situation l’ordre que plusieurs coexistens non contigus obser
vent dans leur coexistence, en
sorte que prenant lun deux pr le
premier ns donnons une situation
aux autres qui en sont Eloignés par
raport acelui la, ainsi prenant
une maison dans une ville pr lapremiere
toutes les autres obtiennent une
situation alegard decelle cy, parce
qu’elles sont separées les unes des autres
et qu’on peut determiner leur situation par leur distance decellequ’on a [113v/24] pris pr la premiere, ainsi deux choses ont lameme situation alegard
d’une troisieme lorsquelles en sont
alameme distance, c’est par cette
raison quel’on dit que tous les points
dune circonference ont lameme situation
alegard ducentre entant qu’on peut
mettre lameme Etenduë entre deux.

How to cite:

CHAPTER FIVE, Version D. In: Du Châtelet, Émilie: Institutions de physique. The Paris Manuscript BnF Fr. 12265. A Critical and Historical Online Edition.
Edited by Ruth E. Hagengruber, Hanns-Peter Neumann, Aaron Wells, Pedro Pricladnitzky, with collaboration of Jil Muller. Center for the History of Women Philosophers and Scientists, Paderborn University, Paderborn. Version 1.0, April 4th 2024, URL: https://historyofwomenphilosophers.org/dcpm/documents/view/chapter_five/version/d/rev/1.0