A projected verse anthology
Electronic edition provided by the Center for the History of Women Philosophers and Scientists, University of Paderborn, in cooperation with the National Library of Russia, Saint Petersburg, and the Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire.
Transcription, encoding, annotations by Andrew Brown, Ulla Kölving.
Published 2020-12-12.
Content
These pages formed part of an anthology of verse similar to Mme Du Châtelet’s collection of poems at McGill University Library, Montréal, ms-001-16665 (). [A] The marginal notes appear to indicate that Émilie Du Châtelet and Voltaire had in mind the creation or publication of a verse anthology.
Five poems are included here, of which two are incomplete:
1. a couplet from the end of Les Scandales du
temps;
2. La Fourmi, conte
par M. Lantin;
3. Jouissance par M.
L’Ainé;
4. Songe par le même;
5. the
first four lines of Le Moineau et le
Rossignol par M. de Saint-Aulaire.
The last four poems appear in the same order in the McGill manuscript, p. 349-356, where they are transcribed by the same hand as the translation of Mandeville [B], the Abrégé de l’optique (private collection), the Essai sur l’optique (the Basel manuscript given to Bernoulli in January 1739 [C] and another copy in a private collection).
Source
National Library of Russia, Saint Petersburg, Voltaire Library, BV 5-240, vol. 9, f. 108-110.
The manuscript consists of three leaves of paper in an unidentified hand with notes by Émilie Du Châtelet and Voltaire, 33.5 x 22.2 cm, with watermark A♡B♡VIMAL and griffin. The pages are numbered 5 through 10.
Reference
Exposition: Voltaire et l’Europe. Exposition Bibliothèque nationale de France / Monnaie de Paris. Préfaces de Jean Favier et Pierre Consigny. Introduction de René Pomeau. Édité et présenté par Françoise Bléchet avec la collaboration de Marie-Odile Germain. Paris, Bibliothèque nationale de France; Bruxelles, Éditions Complexe, 1994, p. 64-65, no 36, “Sottisier de madame Du Châtelet” (the notice incorrectly identifies “Lantin” as a pseudonym of Voltaire).
[A] Voir J. Patrick Lee, «Le Recueil de poésies: manuscrit de Mme Du Châtelet», in Emilie Du Châtelet: rewriting Enlightenment philosophy and science, ed. Judith P. Zinsser and Julie Candler Hayes, SVEC 2006:01, p. 105-123.[B] National Library of Russia, Saint Petersburg, Voltaire Library, BV 5-240, vol. 9, f. 153-216.[C] Universitätsbibliothek Basel, Mscr L Ia 755.
* * * * *
1[...] [1] Que Lomasia [2] dicte & compose [3]
Tantôt en vers, tantôt en prose, [4]
Cela la met hors du comun.
Mais que MS1: <toujours> sans cesse [corr. sup.]sans cesse elle s’occupe
Au sot combat de cinq contre un;
MS1: <illegible line> Sapho ne fut jamais si
dupe [corr. sup.]Sapho ne fut jamais si dupe.
2La Fourmi. [5]
Conte par M. MS1: <[?]> Lantin [corr. sup.]Lantin.
3 Hors du beau sexe il n’est
point de salut;
Ni de plaisir: J’ose avancer encore
Cet
autre point; pour qu’aucun ne l’ignore.
Les Dames sont et
l’objet et le but
De nos desirs. Dieu nous créa pour
elles;
Elles pour nous. Si quelques réprouvez
Se sont
pourvûs ailleurs que chez les belles,
Je doute fort qu’ils s’en
soient bien trouvez:
Qu’ils vienent donc m’en dire des
nouvelles.
Dans le Levant, pourtant, me dira t’on,
Ce
peché-là est le peché mignon:
Les Musulmans traittent de
bagateles
L’autre déduit. À cette objection,
Je dis, primò ce sont des Infidéles.
En second
lieu, je tiens qu’en tout climat
Onques ne fût femme chose
importune.
Pourquoi les gens en font-ils peu de cas?
Ils
en ont trop: peut etre en sont ils las?
Abus, abus; Douze
lassent moins qu’une
Bien est-il vrai que ce sexe maudit,
Le plus souvent fait enrager le nôtre:
Dans sa colere on peste,
on en maudit,
On y revient malgré tout son dépit:
[6 | f. 108v]
Pourquoi cela? c’est que
comme j’ai dit,
Le Createur nous a fait l’un pour l’autre.
Qui voudra donc aller contre la loi
Du tout puissant? Ce ne
sera pas moi.
Que l’on m’amene un mignon de couchete,
Beau, fait au tour, un Adonis enfin;
D’autre coté telle quelle
soubrete;
Je plante là mon Ange masculin,
Et je m’en vais
cajoler ma Grisete.
Malheur à vous gens du païs latin,
Je
ne dis tous, tous n’ont tourné casaque:
Dans ce canton, tout de
même qu’ailleurs
Le beau sexe a de zelez serviteurs,
De
bons sujets: mais seulement j’ataque
Ceux devant qui le sexe
feminin,
En aucun sens, n’a jamais trouvé grace.
Cœurs
corrompus, abominable race,
Vous qui trouvez l’enemi trop
voisin;
Ainsi pensez, quand on vous fait la guerre,
Que ce
bon mot vous tirera d’affaire:
Damnez serez si jamais il en
fût,
Hors du beau sexe il n’est point de salut.
Il m’a
falu beaucoup de rhetorique
Pour établir point de loi si
constant.
Ores qu’il est prouvé suffisement;
Allons plus
loin; examinons comment
S’est établi cet usage héretique,
Que nous venons de fronder ci desssus;
Car autrefois sur un
autel sans plus
On adressoit son offrande à Venus.
Dans le
vieux tems l’ignorance étoit forte
Le hazard fit inventer autre
sorte
De sacrifice: à l’honneur toutefois
De la Déesse, et
si prés de son temple,
Que pas ne crût déroger à ses
droits
En le souffrant; ni qu’un pareil exemple,
Pût
quelque jour porter coup à sa loi.
[7 | f. 109r]
Mais comme il n’est chose
si bonne en soi
Dont les méchans parfois ne puissent faire
Mauvais usage; il arriva de là
Qu’un certain chantre [6] un beau jour s’avisa
De pratiquer un culte tout
contraire:
Que gagna t’il à se faire Apostat?
Vous l’allez
voir: Une troupe en furie,
Qui sur ce point n’entendoit
raillerie,
En cent morceaux hacha le renegat.
Mais
laissons là le chantre et son suplice;
Il fût puni, bien
l’avoit mérité.
Disons comment ce nouveau sacrifice,
Source d’abus, source d’iniquité,
Et comme quoi sans songer à
malice
Car cas fortuit fût jadis inventé.
Que sur ce point
aucun ne contredise,
Auteur mitré raporte ainsi le cas,
Il
ne ment pas c’est un homme d’église.
4 Mars désarmé, Venus presque en
chemise,
Lassez tous deux d’avoir pris leurs ebats,
Dormoient tous deux, non pas entre deux draps,
Plus n’y
couchoient crainte de la surprise;
Mais sur un lit où pour tout
matelas
Vous eussiez vû des fleurs, de la verdure:
Lit
sans aprêts, que la seule nature
Avoit paré pour le couple
amoureux.
Comme au someil ils se livroient tous deux,
Une
fourmi qui rodoit d’aventure
Aux environs; doucement se
glissa
Sous le jupon de la belle dormeuse.
En moins de
rien pied, jambe, et caetera,
Sont cotoiez par notre
fourageuse; [7]
Aprés avoir parcouru des apas
Tant qu’il lui plût,
ainsi qu’on le pût croire,
Elle grimpa sur un globe
d’ivoire,
Des deux qui sont en de certains climats,
Vulgairement apellez pays bas:
Globes polis que l’on ne nomme
gueres,
Pudeur défend que l’on les mette au jour;
[8 | f. 109v]
Amour, dit on, est d’un
avis contraire;
Lequel est crû pour cette affaire?
Je ne
sais: mais je gage pour l’amour.
Quoi qu’il en soit, la bête
familiere
Vient se camper sans beaucoup de façons
Sur le
sommet de l’un de ces deux monts.
Parcourant tout l’imprudente
vermine
Plus librement dans la suite en usa,
Et sans
respect pour blancheur ni peau fine,
Son aiguillon fort
rudement ficha
Dans le contour de la croupe divine.
Dame
Cypris, qui croit qu’on l’assassine,
Jette un grand cri; fait
maint et maint sanglot:
Eh quoi faut il pour une
égratignûre
Se plaindre tant! Amour petit marmot,
Tu me
fais pis, et si je ne dis mot.
Mars à ce bruit se réveille en
sursaut:
Du mieux qu’il pût ramasse son armure;
Et sans
sâvoir ni pourquoi, ni comment,
Mon étourdi vous met flamberge
au vent.
Phoebus pour lors au haut du firmament,
Menait
son char. Voiant briller la lame,
Il crût d’abord que le Dieu
des combats
Par jalousie ou par quelqu’autre cas,
Etoit
tout prêt d’alonger sur la dame.
Le Dieu benin tout plein de
charité,
Pour empecher telle brutalité,
Fit que Jupin le
nomma deputé
Pour en conoître; et suivi de Pallas,
Franchit les Cieux. Les Dieux ne marchent pas
À petit bruit. Si
grand fût le fracas,
Que la fourmi délogea sans trompéte,
Et ne sachant où donner de la téte,
De male peur brusquement se
fourra
En certain trou premier qu’elle trouva
En
descendant. Or n’etoit jusques là
En cette chartre entré ni
gens ni bête,
À ce qu’on tient: l’insecte en eut les
gants.
Là l’animal remparé jusqu’aux dents,
Se rit des
Dieux fait piquure nouvelle,
[9 | f. 110r]
A son plaisir. Comptant
de tenir bon
Malgré Jupin & toute sa sequelle.
Venus
gémit chaque coup d’aiguillon
Va jusqu’au vif et fait bondir la
belle,
Comme un coursier pressé par l’éperon:
Un peu
plûtôt Mars y trouvoit son compte.
Pour soulager la reine
d’Amathonte,
Comment s’y prendre. Il n’est aucun moien,
Aucun remede, au moins qu’on puisse faire
Honetement. Jupiter
n’y sait rien,
Pallas non plus, Mars se tremousse bien,
Mais il n’y fait que de l’eau toute claire.
Les pauvres Dieux
enfin sont tous camus,
L’un tient la foudre, l’autre le
cimetere:
Ce n’est pas là ce qu’il faut à Venus,
Autre
instrumeut eut été nécessaire.
Priape acourt, ce Dieu n’étoit
pas loin,
Heureusement dans le pressant besoin,
Il scût
trouver recepte salutaire.
Son sceptre seul parut propre à
l’affaire:
Sans marchander il vous le plante donc,
Bien en
avant dans le manoir profond;
Où la fourmi de piquer faisoit
rage;
Ce n’est en vain: Le Ciel benit l’ouvrage;
Notre
Esculape en moins d’un tour de main,
Fit tant et tant, que par
force d’engin,
Il arracha l’insecte malfaisant
Coule de
plus du baume sur la plaie.
Messer Priape aiant
sommairement
Traité le mal: tant lui parut plaisant
Cettui
manoir: tant prit goût à la chose,
Qu’au coup d’essai ne s’en
voulut tenir.
Depuis ce jour sans prétexte ni cause,
Autre, sinon que tel est son plaisir
Au même gite on le vit
revenir.
Autant en fait la fourmi, mais plus sage
Qu’au
tems jadis, ne cause aucun domage;
Plus de douleur, mais bien
demangeaison,
Et mouvement et secousses gentilles,
Tous
ornemens de la conclusion.
5 O vous amans qui soupirez pour
filles
Neuves encor, puissent dans ce saint tems,
Lorsque
sous vous aprendront la pratique,
N’etre jamais sans fourmi qui
les pique.
6[10 | f. 110v]
Jouissance
par M.
L’Ainé[8]
7Coulez, coulez, sans bruit favorables rideaux
Faites
prendre, au grand jour les traits de la nuit même
L’Amour a
quitté son bandeau
Il voit à plein tout ce qu’il aime,
Sous le secret de son flambeau.
Que de jeux! Que d’efforts
dans sa tendresse extreme!
Dix fois je l’ai vû du
tombeau
Remonter plein de gloire à sa grandeur supreme;
L’Amour content est un peu bléme:
Mais il est
beau.
8Songe
par le même. [9]
9 L’Aurore à peine ouvroit les
Cieux,
Qu’un songe oficeux
Me mit entre les
bras une jeune inhumaine.
Qu’il m’a dans un instant étalé de
tresors.
Quels feux! quels plaisirs! quels
transports!
Que je serois heureux Climene,
Si je veillois comme je dors.
10Le Moineau et le rossignol
par M. de Saint
Aulaire[10]
11Le tendre rossignol et le galant
moineau,
L’un et l’autre charmez d’une jeune fauvete
Sur les branches d’un bel ormeau
Lui parloient un
jour d’amourete.
[1] The document begins with the last couplet of the anonymous satirical poem entitled Les Scandales du temps (incipit “Que notre Régent et sa fille / commettent mainte peccadille”), published by Raunié under the date of 1716 (Chansonnier historique du XVIIIe siècle, ed. Émile Raunié, Paris, A. Quentin, 1879-1884, vol. 2, p. 48-54 ). It was widely circulated at the time in manuscript form, see satires18.univ-st-etienne.fr (, where the couplet is the twelfth of seventeen).[2] Other versions of the text give “Locmaria”.[3] With note by EDC in left margin: “ie ne veux point ce couplet”. No doubt Émilie sought to avoid this mention of Marie-Renée-Angélique de Larlan de Kercadio de Rochefort, widow of Louis-François Du Parc, marquis de Locmaria, lieutenant general of the king’s armies, who had died in 1709. She had remarried in 1725 with Henri-François de Lambert, marquis de Saint-Bris, lieutenant general and also governor of the city of Auxerre. Like Émilie and Voltaire, the couple frequented the hôtel des Brancas. Here is how president Hénault described the marquise de Locmaria, “une femme coquette”: ”Cette femme, dont la conduite extérieure n’avait rien de reprochable, était fort avant dans le monde, point méchante, d’une gourmandise distinguée et cherchant à plaire à bride abattue” (Mémoires, ed. François Rousseau, Paris, Hachette 1911, p. 121 ).[4] The first two lines are given thus by Raunié: “Qu’habile en vers, Qu’habile en prose, / Lomaria nuit et jour compose,”.[5] This poem, attributed to Jean-Baptiste Lantin (1619-1695) both here and in the McGill collection (p. 349-355), appears to have been published for the first time and anonymously in 1740 in the Recueil de nouvelles poésies galantes, critiques, latines et françaises. Première partie, Londres, Cette présente année, p. 1-6 (see Jacques-Charles Brunet, Manuel du libraire et de l’amateur de livres, vol. 4, 1843, p. 38). It has also been attributed to Jean-Baptiste Willart de Grécourt (1683-1743) and appears in his Œuvres diverses de monsieur de Grécourt, nouvelle édition, augmentée d’un grand nombre de piéces, revue sur les originales, & du Philotanus, Amsterdam, Arkstée & Merkus, 1760, vol. 4, p. 15-21 (often republished). It has also been attributed to Jean-Baptiste Rousseau, see Contes inédits de J.-B. Rousseau, publiés pour la première fois d’après un manuscrit du temps provenant de la collection de Victor de Luzarche, ed. Paul Lacroix, Bruxelles, Gay et Doucé, 1881, p. 73-79. The McGill text includes a few variants, more are to be found in other versions. With indication “1ere” in the left margin and a later note in the right margin: “les trois feuillets détachés vont de suite”.[6] With note in left margin: “Orphée”.[7] Followed by a line drawn by Voltaire and a note in his hand: “le reste est trop licentieux pour etre imprimé”. The following seven lines are struck out, a suppression that presumably applied to the rest of the poem.[8] Alexandre Lainez (1653-1710) was a poet of Belgian origins, a friend of La Fontaine and Chapelle, little published during his lifetime. His poems appeared posthumously in 1753: Les Poësies de Lainez, La Haye, Aux dépens de la Compagnie, 1753. La Jouissance appears on page 2 ().[9] Le Songe appears on page 17 of the 1753 edition.[10] François-Joseph de Beaupoil, marquis de Saint-Aulaire (1648-1742), elected to the Académie française in 1706, frequented the Société du Temple and the court at Sceaux, of which he was one of the leading figures for more than forty years. Few of his poems have been published. This fable, which appears to have been printed anonymously for the first time in 1699 in the Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes tant en prose qu’en vers, Utrecht, Antoine Achouten, 1699, p. 60-61 ( ), has also been attributed to La Fontaine, Fontenelle and Grécourt.