CHAPTER THIRTEEN

Thirteenth Chapter (Version I: First Printed Version, Paris 1740)

Chapitre XX. Des Forces Mortes, ou Forces Pressantes, & de l’Equilibre des Puissances.

§. 518.

1[398 ] La force motrice, qui est le principe du mouvement fait parcourir au corps un certain espace, ou lui fait déranger un certain nombre d’obstacles, quand son action n’est point arrêtée, Not in J selon qu’elle s’exerce plus ou moins; mais lorsque son action est arrêtée par quelque obstacle invincible, alors elle ne fait parcourir aucun es[399]pace au corps sur lequel elle agit, mais elle lui fait faire un effort, elle lui imprime une tendance pour déranger cet obstacle, & pour lui imprimer un mouvement.

2 §. 519. Marginal summary: Il y a deux sortes de Forces, comment il faut les distinguer. On distingue ces deux J: facons dont la force motrice se déploie Forces, par les mots de Force morte, ou Force virtuelle, & de Force vive. La Force morte consiste dans une simple tendance au mouvement: telle est celle d’un ressort prêt à se détendre, & la Force vive est celle qu’un corps a lorsqu’il est dans un mouvement actuel.

3 §. 520. Les Forces mortes s’apellent encore Forces pressantes, parce qu’elles pressent les corps qui leur résistent, & qu’elles font effort pour les déranger de leur place.

4 §. 521. Les Forces pressantes peuvent ou rester en repos avec les corps qu’elles pressent, ou bien parcourir avec eux un certain espace.

5 Marginal summary: Quelles sont les forces pressantes en repos. §. 522. Les Forces pressantes, qui restent en repos avec les corps sur lesquels elles agissent, sont:

1°. Le poids des corps, lequel les porte vers le centre de la terre, c’est par cette force que tout corps presse l’obstacle qui le soutient.

2°. L’effort que fait un ressort tendu pour se détendre, & pour éloigner de lui les puissances qui le retiennent. [400]

3°. La cohésion & la force magnetique par lesquelles deux corps se pressent mutuellement l’un l’autre, à peu près comme nos mains s’appliquent l’une contre l’autre, lorsque nous les serrons.

6 Marginal summary: Quelles sont les forces pressantes, qui changent de lieu avec le corps. §. 523. Les Forces pressantes qui, en restant appliquées au corps sur lequel elles agissent, se meuvent avec lui, sont:

1°. Le poids qui est dans le bassin d’une balance, & qui force ce bassin à descendre avec lui.

2°. Un ressort qui vient à se détendre, & à pousser devant lui les obstacles qui le rete noient.

3°. Ma main qui presse un corps posé sur une table, & qui parcourt cette table avec lui.

4°. Un corps attaché à un autre corps avec lequel il tourne en rond, & qu’il tire par sa force centrifuge, &c.

7 §. 524. Ainsi, on apelle également Force pressante, la force par laquelle un corps en tire un autre, & celle par laquelle un corps presse sur un autre: en un mot tout ce qui fait effort pour déranger de sa place un corps auquel il tient, soit qu’il le touche immédiatement, comme le poids qui est dans le bassin d’une balance, soit qu’il lui tienne par un autre corps, comme le corps tourné en rond, qui tire celui auquel une corde l’attache; soit enfin qu’il le presse simplement comme une pierre posée sur une table. [401]

8 §. 525. Toute Force motrice produit une pression; mais la pression de la force morte est détruite à tout moment, & celle de la force vive ne l’est pas.

9 §. 526. Les obstacles sur lesquels les forces pressantes agissent, peuvent être ou invincibles, ou de nature à céder.

10 §. 527. Quand les obstacles sont invincibles, l’action de la force qui tend à les déplacer, est à tout moment détruite par ces obstacles, & à tout moment reproduite par l’effort continuel que fait la force pressante pour vaincre cette résistance. Ainsi, les petits degrés J: de force que la puissance qui presse imprime que la force pressante imprime à l’obstacle qui retient son action, périssent en naissant, & naissant en périssant; & c’est dans cette réciprocation constante, dans ce retour de production & de destruction que consiste l’effet de la pesanteur d’un corps, lorsqu’il est retenu par un obstacle invincible, & c’est cette pression aussi-tôt détruite, que produite, qu’on apelle force morte.

11 J: Marginal summary: Les forces mortes peuvent être considérées comme actives, ou comme passives. §. 528. Quoique les forces mortes ne produisent aucun effet, elles peuvent cependant être considérées comme actives ou comme passives.

12 §. 529 La Force morte que je considére [402] comme active, est J: celle la force que les corps ont pour tenir quelque puissance en équilibre.

13 Marginal summary: En quoi consistent les forces mortes. §. 530. La Force morte que je considére comme passive, est celle que reçoit un corps sans mouvement, lorsqu’il est sollicité de se mouvoir, & qu’il reste cependant en repos.

14 Marginal summary: Quel est leur effet. §. 531. Lorsque la force morte est détruite par un obstacle invincible, son effet est le même, soit que son action dure un moment, soit qu’elle soit continuée des millions d’années; car dans l’un & dans l’autre cas, elle ne produit aucun effet réel; mais elle tend seulement, à chaque instant, à en produire un: ainsi, quelque long-tems que la pression contre un obstacle invincible puisse être continuée, la force qui la produit, ne s’épuise jamais.

15 §. 532. Dès que l’action de la Force morte sur un obstacle invincible cesse, son effet, qui est la pression du corps qui lui résiste, cesse aussi, & son effet ne survit jamais à son action.

16 Toute pression se consume pendant qu’elle agit, & son effet, dans un moment, ne dépend point de son effet dans un autre, de sorte qu’elle est toujours détruite dans un instant infiniment petit, soit par la pression contraire d’un obstacle invincible, soit en comuniquant ou en détruisant de la force.

17 On appelle résistence ce qui détruit la pres[403]sion, & c’est pour cela que la réaction est toujours égale à l’action, ce qui veut dire seulement que la résistence est égale à la pression qu’elle détruit.

18 §. 533. Un obstacle invincible pour une force, ne l’est pas pour une autre, si cette force est supérieure à la premiere.

19 Marginal summary: Quand l’obstacle céde, les forces pressantes ou forces mortes, deviennent forces vives. §. 534. Lorsque les obstacles sur lesquels la force motrice agit, ne sont pas invincibles, l’action de cette force sur ces obstacles est de les faire sortir de leur place, & alors les petits degrés de mouvement, que cette force communique, à chaque instant infiniment petit, au corps sur qui elle agit, s’y accumulent, & s’y conservent, & cette force oblige le corps à changer de place, et dans ce cas la force morte se change en force vive.

20 §. 535. On voit déja que la force morte & la force vive différent entr’elles essentiellement, puisque l’une ne produit aucun effet, et que l’autre produit un effet réel, qui est le déplacement de l’obstacle: ainsi, ces deux espéces de force Not in J ne peuvent pas plus etre comparées qu’une ligne & une surface: ce sont de quantités hétérogénes, & entre lesquelles il y a l’infini.

21 J: Je vous parlerai des forces vives dans le Chapitre suivant. Je parlerai des forces vives dans le Chapitre 21. Je n’examine ici que l’effet de la simple pression. [404]

22 Marginal summary: Comment les forces mortes doivent être estimées. §. 536. Dans les corps en repos on estime la force qu’ils ont pour tenir quelque puissance en équilibre, par le produit de leur masse ou de leur matiére propre multipliée par leur vîtesse virtuelle ou élémentaire, c’est-à-dire, par la vîtesse initiale qu’ils auroient, si cette puissance, qui les retient, venoit à faire quelque mouvement.

23 §. 537. J: Lorsque la force motrice produit une force vive, la puissance qui produit cette force, reste appliquée au corps sur lequel elle agit, jusqu’à ce qu’il ait aquis la force qu’elle lui imprime, car tout effet suppose un tems dans lequel il s’opère, ainsi le Corps est quelque tems à aquerir la force motrice. Le corps est quelque tems à aquérir la force motrice; car tout effet suppose un tems dans lequel il s’opére.

24 §. 538. La puissance J: This variant replaces the passage "qui agit" to the end of the next paragraph "transport l'obstacle": qui communique la force vive reste donc appliquée au Corps à qui elle la communique, pendant le prémier instant, & elle parcourt dans ce prémier instant un certain espace avec l’obstacle qu’elle transporte.qui agit sur le corps & qui lui communique la force motrice reste appliquée à ce corps, jusqu’à ce qu’il ait acquis cette force qu’elle lui communique.

25 La puissance motrice reste appliquée au corps, & parcourt avec lui un certain espace dans le premier instant, dans lequel la puissance transporte l’obstacle.

26 §. 539. Dans ce premier instant, dans lequel la puissance motrice reste appliquée au corps sur qui elle agit, l’intensité de cette puissance est le produit de la masse par la vîtesse initiale; car tant que le corps pressé n’a pas encore acquis tout son mouvement la puissance qui lui communique le mouvement, est alors une force morte. [405]

27 J: Ces Les puissances peuvent différer entr’elles selon la grandeur des masses qu’elles peuvent transporter, & selon l’espace infiniment petit qu’elles peuvent parcourir avec elles en tems égal; & c’est ce qu’on appelle l’intensité des puissances.

28 Marginal summary: De la comparaison des puissances. §. 540. On ne peut point connoître la grandeur d’une seule puissance: il faut comparer l’action momentanée de deux puissances qui agissent sur des masses égales ou inégales, & qui les poussent avec un increment de vîtesse plus ou moins grand, afin de pouvoir connoître en quelle raison ces puissances agissent; car toutes nos connoissances ne sont que comparatives.

29 §. 541. Si dans un espace égal, les puissances déplacent des masses inégales, leurs intensités seront comme les masses deplacées, multipliées par leurs vîtesses initiales.

30 §. 542. Si les masses deplaceées sont égales & les espaces inégaux, les intensités seront comme les espaces.

31 §. 543 Si les masses & les espaces sont J: inégaux inégales, les intensités des puissances seront comme ces J: masses multipliées par ces espaces masses, & ces espaces, c’est-à-dire, en raison composée des deux. [406]

32 §. 544. Les masses déplacées sont toujours en raison J: composée de la raison directe des puissances & de la directe à la grandeur des puissances, & en raison inverse des espaces.

33 §. 545. Ainsi, les intensités des puissances sont égales, si les espaces parcourus sont en raison réciproque des masses déplacées. Par exemple, si les masses déplacées sont 8. & 6. & les espaces parcourus 3. & 4. respectivement, l’intensité de chacune de ces deux puissances sera 24. car dans ce cas, la premiere masse est à la seconde, comme la vîtesse initiale de la seconde est à la vîtesse initale de la premiere: ainsi, le produit des espaces parcourus, & des masses déplacées, Not in J multipliés l’un par l’autre, représente l’intensité des puissances qui communiquent la force motrice.

34 §. 546. Les puissances égales qui agissent dans une direction directement opposée, se servent l’une à l’autre d’un obstacle invincible, & détruisent mutellement l’effet l’une de l’autre: ainsi, toute puissance opposée peut être considérée comme un obstacle invincible, par rapport à la puissance qu’elle contrebalance; & tout obstacle invincible peut être considéré comme une puissance égale à la puissance dont il arrête l’effet.

35 §. 547. Dans l’équilibre des puissances, les [407] forces mortes sont en raison composée des masses, & de leur vîtesse virtuelle.

36 Marginal summary: Pourquoi 2. livres & 10. livres paroissent en équilibre. Ainsi, quand 10. livres paroissent en équilibre avec 2. livres, comme dans une romaine, ce n’est en effet qu’une illusion; car ce n’est pas entre 2. & 10. qu’est l’équilibre, mais entre 2. & 10. disposées de façon, que les deux livres, auroient 5. fois plus de vîtesse que les 10. si elles venoient à se mouvoir, ce qui rétablit l’équilibre.

37 L’équilibre est donc en repos causé par l’opposition & l’égalité de deux ou de plusieurs forces.

38 §. 548. Deux forces ne peuvent être en équilibre, & se détruire mutellement, que lors qu’elles feroient parcourir à la même masse des espaces égaux en tems égaux, si elle venoit à céder à leur action, dans le premier moment quelle y céderoit, car ces forces pourroient déranger les mêmes masses, quoiqu’elles ne pussent pas les transporter également loin en tems égal; & si une de ces puissances, par exemple, pouvoit faire parcourir au même corps un espace infiniment petit, double de l’espace infiniment petit que l’autre puissance lui feroit parcourir dans un même tems, l’intensité de cette puisance seroit double de celle de l’autre puissance; car lorsque les masses sont égales, les puissances sont comme les espaces. (§. 542.) [408]

39 §. 549. Les puissances égales & opposées se détruisent mutuellement, & alors leur destruction est le seul effet qu’elles produisent.

40 Lorsque deux puissances sont en équilibre, elles sont égales.

41 Marginal summary: De l’équilibre des puissances. §. 550. Afin que deux puissances puissent être en équilibre, il faut que leurs directions se réunissent en un point, & concourent dans la même ligne, sans quoi elles ne seroient point opposées, ou bien elles ne le seroient qu’en partie.

42 §. 551. Si deux puissances agissent sur le même corps dans une direction contraire, & avec des forces inégales, la force de la puissance plus foible sera détruite, ainsi qu’une égale partie de la force de la puissance supérieure, ensorte que la plus forte puissance poussera la plus foible devant elle avec la force qui lui restera; & l’effet produit sera égal à la force restée à la puissance supérieure.

43 §. 552. Si les directions opposées de deux puissances égales en tout, se réunissent sur un même obstacle, ni ces puissances, ni cet obstacle ne sortiront de leur place; & ces puissances détruiront mutuellement l’effet l’une de l’autre, tant qu’elles continueront à presser cet obstacle dans une direction opposée. [409]

44 Marginal note: Planche 11. Fig. 69. Marginal summary: En quel proportion les puissances qui sont en equilibre, doivent être entr’elles. §. 553. Afin que les trois puissances ABC. dont les directions se réunissent au point D. soient en équilibre, il faut que leurs intensités soient entr’elles comme les trois lignes DG. GE. ED. paralleles aux directions des trois puissances ABC. lesquelles forment entr’elles le triangle DGE. ou DEF. car si la puissance B. en tirant le point D. lui eût donné la vîtesse DF=GE. le point D eût parcouru la diagonale DE. du parallelogramme GDFE.

45 Donc afin que la puissance A. tienne le point D. en repos, & contrebalance les puissances C. & B. il faut qu’elle puisse donner au corps B. la vîtesse ED. car alors la force vers DE. sera égale aux deux forces vers DG. & vers DF=GE. Marginal note: Fig. 69. puisque les forces sont entr’elles comme les vîtesses qu’elles communiqueront au même corps J: (§.258) (257.) Les côtés du triangle DGE. expriment donc en quelle raison ces trois puissances qui se tiennent en équilibre, sont entr’elles.

46 §. 554. Une puissance est en équilibre avec 4. 5. ou un nombre quelconque de puissances, lorsque toutes les puissances qui la contrebalancent, peuvent être renfermées dans une seule puissance, dont l’intensité soit égale à l’intensité de la puissance contrebalancée, & si de plus elles concourent avec elle dans la même ligne.

47 Soit ce point A. tiré par les cinq puissances [410] D. E. F. G. B. ensorte que la puissance B. soit en équilibre avec les quatres autres puissances D. E. F. G. Si ces cinq puissances sont Marginal note: Fig. 70. respectivement proportionelles aux lignes AD. AE. AF. AG. AB. ayant formé le triangle ADC. ou le parallelogramme ADCE. les puissances AE. AD. seront renfermées dans la seule puissance AC. qui agira dans la direction AC. ainsi les puissances AD. AE. AC. seront en équilibre par la § précédente.

48 Marginal summary: L’action de toute puissance peut se résoudre en deux autres puissances. Marginal note: Fig. 70. Les puissances AG. AF. étant ensuite renfermées de la même façon dans la puissance Ah. ces deux nouvelles puissances AC. & Ah. seront réduites par le même moyen à la seule puissance Ab. qui se trouvera égale & directement opposée à AB. puisqu’elle sera dans la même ligne, & qu’elle représente les forces AE. AD. AF. & AG. qui étoient en équilibre avec AB.

49 §. 555. Il suit de la §. 553. que l’action de toute puissance peut se résoudre en l’action de deux ou de plusieurs puissances; & cela d’une infinité de maniéres différentes, à cause de la quantité infinie de triangles qui peuvent avoir le même côté. (§. 281.)

50 Ainsi, on peut considérer l’effet opéré par plusieurs puissances, comme étant l’effet d’une seule force qui leur est égale, & au contraire.

51 Marginal summary: Preuve de l’égalité de l’action & de la réaction par l’équilibre des puissances. §. 556. C’est sur tout dans la combinaison de [411] l’action des forces pressantes que l’on trouve l’accomplissement de la troisiéme Loi du mouvement, par laquelle la réaction est toujours égale à l’action (§ J: 259. 258.) car les forces pressantes n’agissent jamais sans une résistance J: égale à leur action égale, soit que l’obstacle céde, soit qu’il résiste invinciblement.

52 Ainsi, dans l’équilibre où se tiennent deux ou plusieurs puissances, quoiqu’elles se pressent l’une l’autre, & que la moindre augmentation de force les pût faire sortir de leur place, cependant elles y restent toutes, tant que les efforts qu’elles s’opposent mutellement, sont égaux.

How to cite:

CHAPTER THIRTEEN, Version I. In: Du Châtelet, Émilie: Institutions de physique. The Paris Manuscript BnF Fr. 12265. A Critical and Historical Online Edition.
Edited by Ruth E. Hagengruber, Hanns-Peter Neumann, Aaron Wells, Pedro Pricladnitzky, with collaboration of Jil Muller. Center for the History of Women Philosophers and Scientists, Paderborn University, Paderborn. Version 1.0, October 16th 2024, URL: https://historyofwomenphilosophers.org/dcpm/documents/view/chapter_thirteen/version/i/rev/1.0