CHAPTER SEVEN

Seventh Chapter

(Version F: First Printed Version, Paris 1740)

Chapitre VIII

De la nature des Corps

§. 137.

1[152] F: Between the last extant manuscript version and the published versions (1740 and 1742), the order of the chapters is altered. The content of the seventh chapter in the manuscript corresponds to Chapter VIII in the published versions. In the published version, Chapter VII deals with the elements of matter and corresponds to the tenth chapter in the manuscript. Descartes, le Pere Mallebranche, & tous leurs sectateurs ont fait consister l’essence du Corps dans l’étendue; ils croyoient qu’il ne falloit que de l’étendue en longueur, largeur, & profondeur pour faire un Corps, & voici comment ils raisonnoient. L’essence d’une chose est ce qu’on G: reconnait reconnoît de premier dans cette chose, ce qui en est inséparable, & d’où dépendent toutes les proprietés qui lui conviennent (37). Ainsi, pour découvrir en quoi consiste l’essence de la Matiere, il faut examiner quelles [153] sont les proprietés qui sont renfermées dans l’idée qu’on a de la Matiere, comme la fluidité, la dureté, le mouvement, le repos, l’étenduë, la figure, la divisibilité, &c., & considerer ensuite quels sont de tous ces attributs ceux qui en sont inseparables. Or la fluidité, la molesse, le mouvement, et le repos pouvant être séparés de la Matiere, puisqu’il y a plusieurs Corps qui sont sans dureté, ou sans fluidité, ou sans molesse, quelques-uns qui ne sont pas en mouvement d’une façon sensible, & d’autres qui ne sont point en repos, il s’ensuit que tous ces attributs n’étant point inseparables de la Matiere, ne lui sont point essentiels.

2 F: Paragraph summary: Quatre attributs principaux des corps Mais il reste quatre attributs que nous concevons comme inséparables de la Matiere, qui sont la figure, la divisibilité, l’impénétrabilité, & l’étendue. Pour connoître quel est de ces quatres attributs celui qu’on doit prendre pour l’essence de la Matiere, il faut donc examiner quel est celui, qui n’en suppose point d’autres, & qui doit se trouver le premier dans l’Etre. On reconnoît facilement alors que la figure, la divisibilité, l’impenetrabilité supposent l’étendue, F: Paragraph summary: Descartes & le Pere Mallebranche faisoient consister l’essence du Corps dans l’étendue. & que l’étendue ne suppose rien; mais que dès qu’elle est donnée, la figure, l’impenétrabilité & la divisibilité le sont aussi: donc, continuent ces Philosophes, on doit conclure que l’étendue est l’essence du Corps, puisque toutes ses autres proprietés dépendent de l’étendue. [154]

3 §. 138. F: Paragraph summary: Et ils ôtoient toute activité aux créatures. Cette définition de l’essence du Corps les conduisoit nécessairement à ôter toute force, & toute activité aux créatures; car quelques réfléxions que l’on fasse sur l’étendue, qu’on la limite comme on voudra, qu’on arrange ses parties de toutes les matieres possibles, on ne voit point comment il en peut naître une force & une principe interne d’action: car la Matiere étant, selon cette définition, une substance seulement passive, elle ne peut jamais devenir active par toutes les modifications possibles. Cependant comme l’experience prouve que les Corps agissent & sont doüés d’une activité, les Cartesiens ont eu recours, pour expliquer cette force active, à la volonté de Dieu. Ainsi, selon eux, ce ne sont point les créatures qui agissent, c’est Dieu lui-même qui meut immédiatement un Corps à l’occasion d’un autre; & cela suivant une certaine loi qu’il s’est prescrite au commencement, & qu’il ne viole jamais que lorsqu’il fait des miracles; car on appelle miracle un effet qui n’est point explicable par les loix du mouvement & par l’essence des Corps. Ainsi, les causes secondes G: qu’on appelle dans ce systême, causes occasionelles, paraissent paroissent bien avoir quelque éfficace Not in G. dans ce sistême, mais elles n’en ont réellement point. Dieu fait tout par son concours G: immédiat dans ce systême, dans lequel immédiat, les créatures sont les occasions, mais jamais les causes; elles peuvent recevoir, mais elles ne peuvent jamais ni agir, ni G: produire, ni résister produire. [155]

4 §. 139. F: Paragraph summary: Mais cette opinion se trouve fausse, lorsqu’on admet le principe d’une raison suffisante. Tout cet enchaînement de consequences & de démonstrations des Cartésiens tombe bientôt par le principe de la raison suffisante; car si l’essence du Corps consiste dans la simple étendue, & qu’il n’y ait point de différences internes dans les parties de la Matiere G: par lesquelles ces parties puissent etre distinguées les unes des autres qui les distinguent réellement, la Matiere est similaire, & une de ses parties ne differe de l’autre que par la position, comme les Cartesiens l’avouent eux-mêmes. Or nous avons vû (§. 12.) que le principe de la raison suffisante ne souffre point dans l’Univers de Matiere similaire, & G: dont les parties ne soient pas distinguées. qui ne soit pas distinguée par des qualités internes. Ainsi l’essence du Corps ne peut consister dans la simple étenduë, puisqu’il est nécessaire, pour satisfaire au principe de la raison G: suffisante qu’il y ait des différences internes entre les parties de la Matière, & que par conséquent les différences ayent leur fondement dans l’essence de la Matière, & naissent de quelques-unes de ces propriétés. La propriété de la Matière d’où dépendent les différences internes qui distinguent ses parties, ne peut être qu la force interne qui G: suffisante qu’il y ait des différences internes entre les parties de la Matière, & que par conséquent les différences ayent leur fondement dans l’essence de la Matière, & naissent de quelques-unes de ces propriétés.suffisante, d’accorder une différence originaire dans les parties de la Matiere, qui lui soit aussi essentielle que l’étendue-même.

5 G: La propriété de la Matière d’où dépendent les différences internes qui distinguent ses parties, ne peut être qu la force interne qui. Paragraph summary: il faut ajouter à l’étenduë la force active & passive, pour avoir une idée juste de l’essence du Corps. Il faut donc qu’il ait quelque chose dans la Matiere d’où cette différence interne tire son origine; mais elle n’en peut avoir d’autre que la force interne ou tendante au mouvement qui est dans toute la Matiere, & qui se diversifiant à l’infini, met une différence réelle entre toutes les parties de la Matiere, ensorte qu’il est impossible de mettre l’une à la place de l’autre, parce qu’il n’y en a pas deux qui ayent la même force & le même mouvement, & par consequent la même forme; car toute forme suppose du mouvement, & par conséquent de la force. [156] G: Here in G a new paragraph begins as follows: Je dis que cette propriété d’où naissent les différences qui distinguent les parties de la Matière entr’elles, ne peut être que la force motrice, car il est impossible qu’une portion de Matière quelque petite qu’on la supose ne fût pas composée de parties similaries, si toutes ces parties étoient dans un parfait repos; il n’y a donc que la force motrice qui puisse faire naitre les différences qui distinguent ces parties, ainsi on est obligé de convenir que la force est aussi nécessaire à l’essence du corps que l’étendue, & que par conséquent il ni à aucune portion de Matière dans l’Univers sans mouvement & sans force, puisque par le principe de la raison suffisante il n’y en a aucune qui ne soit différent de toute autre (§. 12). §. 140. Tous les corps sont composés de parties, ainsi les G: Here in H a new paragraph begins as follows: Je dis que cette propriété d’où naissent les différences qui distinguent les parties de la Matière entr’elles, ne peut être que la force motrice, car il est impossible qu’une portion de Matière quelque petite qu’on la supose ne fût pas composée de parties similaries, si toutes ces parties étoient dans un parfait repos; il n’y a donc que la force motrice qui puisse faire naitre les différences qui distinguent ces parties, ainsi on est obligé de convenir que la force est aussi nécessaire à l’essence du corps que l’étendue, & que par conséquent il ni à aucune portion de Matière dans l’Univers sans mouvement & sans force, puisque par le principe de la raison suffisante il n’y en a aucune qui ne soit différent de toute autre (§. 12).La force est donc aussi nécessaire à l’essence du Corps que l’étendue; car on ne sçauroit admettre aucune portion de Matiere sans mouvement, puisqu’une portion de Matiere quelconque, quelque petite qu’elle fût, seroit composée de parties similaires, si toutes ses parties étoient dans un parfait repos. Mais c’est ce qui ne peut être par le principle de la raison suffisante, (§. 12.)

6G: §. 140. Tous les corps sont composés de parties, ainsi les §. 140. La premiere chose que nous comprenons des Corps, c’est que ce sont des Etres composés de plusieurs parties. Ainsi, les proprietés d’un Etre composé leur doivent convenir, or il ne peut arriver de changemens dans le composé qu’à l’égard de sa figure, de sa grandeur, de la situation de ses parties & du lieu du tout: & par conséquent tous les changemens des Corps se doivent réduire à ceux-là. Mais comme aucun de ces changemens ne se peut faire sans le mouvement, tout G: changement dans les corps doit être causé par le mouvement. [Here a new paragraph begins in G] On ne peut dire avec Descartes que c’est Dieu qui produit immédiatement tous ces changemens dans les corps, car si la Matière n’avoit pas pour son essence cette force qui diversifie toutes ses parties, elle seroit similaire par son essence (§. 139.); mais le principe de la raison suffisante s’opposant à cette similitude, on est obligé de conclure que les changemens continuels que les corps éprouvent sont l’effet d’une force qui est essentielle à la Matière. changement doit être causé par le mouvement de la Matiere, ou de ce qui est étendu. Ainsi, tous les Corps, toutes les portions de Matiere sont des Machines; car nous appellons Machine un composé dont les changemens se sont en vertu de sa composition & par le moyen du mouvement.

7 §.141. F: Paragraph summary: il n’y a point de Matiere sans force, ni de force sans Matiere. L’étenduë qui résulte de la composition n’est donc pas le seule proprieté qui G: convienne convient au Corps, il y faut ajouter encore le [157] pouvoir d’agir: ainsi la force qui est le principe de l’action se trouve répandue dans toute la Matiere, & il ne sçauroit y avoir de matiere sans force motrice, ni de force motrice sans Matiere, comme quelques Anciens l’avoient fort bien reconnu.

8 §. 142. La raison nous montre et l’experience nous confirme une autre proprieté des Corps, c’est celle de résister, ou la force passive; car en raissonant d’après la force active qui est dans les Corps, on ne voit par sur quoi elle agiroit, si les Corps n’étoient pas résistans, puisqu’il n’y auroit point alors de raison suffisante de leur action.

9 G: De plus, [Paragraph summary: La force passive etoit nécessaire pour que le mouvement s’exécutat avec raison suffisante.] D’un autre côté, nous éprouvons tous les jours que lorsque nous voulons mettre en mouvement un Corps qui nous G: parait paroît en repos, nous ne pouvons y parvenir sans un effort qui surmonte la résistance de ce corps lourd & paresseux, qui ne se met en mouvement que par une action continuée. Ce corps a donc une force par laquelle il résiste au mouvement qu’on veut lui imprimer.

10 Cette force résistante a été exprimée par Képler d’une maniere fort significative par les mots de vis inertiae, force d’inertie. Sans cette force, aucune des loix du mouvement ne pourroit subsister, & tous les mouvemens se seroient sans raison suffisante: car dès qu’on admettroit que la Matiere fût sans résistance, ou force d’inertie, [158] il n’y auroit plus de proportion entre la cause & l’effet; & l’on ne pourroit point juger de ce qu’un Corps a une telle quantité de mouvement & une telle masse, qu’il a fallu une telle force pour le lui communiquer. Car le plus grand Corps & le plus petit pourroient être mûs par la même force avec la même facilité & la même vîtesse, s’ils étoient l’un & l’autre sans inertie: la moindre force suffiroit pour donner le Not in G. plus grand mouvement à cette étendue légere, Not in G. & pour ainsi dire, vuide, & pour G: arrêter son mouvement quelque grand qu’il fût, l’arrêter, quand elle est dans le plus grand mouvement, il ne faudroit qu’un effort infiniment petit.

11 G: Ainsi il Il n’y auroit aucune vérité determinée dans les changemens qui arrivent dans les Corps, si la Matiere étoit sans inertie, G: & puisque ces changemens pourroient être indifféremment tels qu’ils sont, ou tous autres, sans qu’on en pût donner aucune raison, ce qui est entierement contraire au principe de la raison suffisante, selon lequel les effets doivent être proportionnés aux causes. G: Here in G a new paragraph begins. Mais cette proportion entre la cause & l’effet se trouve toujours dans l’action des Corps les uns sur les autres, dès qu’on admet de la résistance dans l’étendue; car alors une double étendue opposant une double résistance, il faut une double force pour lui imprimer le même mouvement; Not in G. & l’on peut dire en général que les forces sont comme les masses, quand les vîtesses sont égales. [159] Ainsi, si l’on veut que le mouvement se fasse avec raison suffisante, c’est-à-dire, qu’il soit possible, il faut admettre dans les Corps cette force résistante, ou force passive, sans quoi on ne pourroit jamais déterminer quelle force seroit nécessaire pour faire un effet donné.

12G: Il faut donc joindre la force résistante à l’étendue, & à la force motrice pour connaitre l’essence de la Matière, car vous voyez que l’étendue sans la force motrice ne donne point la raison suffistante des différences internes qui doivent distinguer les parties de la Matière, & que l’étendue & la force motrice sans la force résistante ne donnent point celle de la communication du mouvement, & ne font point voir pourquoi les effets que la force motrice produit sont tels, & non pas autrement.§. 143. F: Paragraph summary, omitted in G: L’étendue jointe à la force d’inertie, est ce qu’on appelle Matiere.L’étenduë combinée avec la force d’inertie est ce qu’on appelle Matiere: car ordinairement on considere la Matiere comme une masse lourde & sans action; & l’on appelle l’étenduë Matiere, en tant qu’on le regarde comme quelque chose de passif.

13F: Paragraph summary, omitted in G: Mais c’est improprement, car il faut ajouter la force motrice, qui est la raison suffisante de l’actualité du mouvement.§ 144. Mais G: l’étendu, la force motrice, & la force d’inertie, étant posées, tout ce qui se trouve dans les corps, et tous les changemens qu’ils subissent le sont aussi, & peuvent s’expliquer par ces trois principes.l’idée de la Matiere conçue de cette façon n’est encore qu’incomplette; car aucun des changemens dont la matiere est susceptible, ne pourroit arriver ou devenir actuel par l’étendue & la force d’inertie. Il faut donc y joindre la force motrice, laquelle contient la raison suffisante de l’actualité des changemens dans les Corps; & l’on a vû que cette force motrice est inséparable de la Matiere, parce que le principe de la raison suffisante n’admet point de Matiere similaire dans l’Univers.

14 § 145. G: Car entant qu’étendu, le; Paragraph summary: Et c’est dans ces trois principles que consiste leur essence.Tous les changemens qui arrivent dans les Corps peuvent s’expliquer par ces trois principes, l’étendue, la force résistante, & la force active; car en tant qu’étendu, leCorps a une grandeur, une figure, & une situation: ainsi, [160] l’on peut comprendre par la proprieté d’étendue quels changemens sont possibles dans les Corps, puisqu’on peut comprendre par là quels changemens & quelles limites ils peuvent recevoir dans leur figure & leur situation. Or tous ces changemens peuvent devenir actuels par la force motrice qui est le principe du mouvement; la force motrice peut donc faire comprendre comment les changemens, qui étoient possibles dans le Corps en vertu de son étendue, deviennent actuels. Mais aucun de ces changemens n’etant plus nécessaire qu’un autre, puisque le Corps par son étendue & sa force est également susceptible de les subir tous, il faut une raison pourquoi tels changemens arrivent, tandis que d’autres qui étoient aussi possibles par l’étendue & par la force motrice, n’arrivent point; & cette raison se trouve dans la force d’inertie ou force résistante. Ainsi, l’on peut comprendre par l’étendue, la force motrice & la force d’inertie, pourquoi de certains changemens F: Paragraph summary: Et c’est dans ces trois principles que consiste leur essence. sont possibles dans les Corps, comment ils deviennent actuels, & pourquoi les uns ont lieu plutôt que d’autres, & dans un tems plutôt que dans un autre; & l’on peut dire par consequent que ces trois principes suffisent, & que c’est en eux que consiste la nature du G: Corps, ou de la Matière. Corps.

15 §. 146. On voit par là que les Philosophes qui veulent que l’on n’admette en Philosophie [161] que des principes méchaniques, & qui prétendent que tous les effets naturels doivent être expliquables méchaniquement, ont raison; car la possibilité d’un effet se doit prouver par la figure, la grandeur, & la situation du composé, Not in G. & son actualité, par le mouvement. G: C’est-â-dire par la force motrice cause du mouvement, & sa quantité par la force d’inertie. Et. Et quiconque raisonne ainsi, procede dans ses raisonnemens, comme la nature des G: choses & les regles d’une bonne logique exigent choses l’exige.

16 §. 147. F: Paragraph summary: Ces trois principes ne dépendent point l’un de l’autre. Ces trois principes, sçavoir, l’étendue, la force passive, & la force motrice, ne dépendent point l’un de l’autre; car ce sont les essentielles du Corps, & G: vous avez on a vû que les essentielles ne se déterminent point mutuellement, mais qu’elles peuvent seulement subsister ensemble sans se G: détruire (§. 37) détruire. Ainsi, la force active & la force passive ne G: naissent découlent point de l’étendue, & ces deux forces ne sont pas une suite l’une de l’autre, ni l’origine de la proprieté qu’on nomme étendue.

17 Il est aisé de voir que la force active ne résulte ni de l’étendue, ni de la force d’inertie; car ni la figure, ni la grandeur, ni la combinaison des parties ne sçauroient produire une tendance au mouvement, une force, ou un certain degré de vîtesse, comme les Cartésiens l’avoient très-bien compris. La force d’inertie ne peut être non plus la cause de la force active à laquelle elle résiste: ainsi, l’on est obligé d’admettre la force active dans les Corps comme un principle fort différent de l’étendue & de la résistance, [162] & qui n’en G: dépend découle nullement: or comme on peut dire la même chose de la force d’inertie et de l’étendue, G: ces les trois propriétés ne dépendent point l’une de l’autre.

18G: Quoique l’essence de la Matière consiste dans ces trois propriétés, cependant on a coutume d’appeller Matiére la seule étendue combinée avec la force d’inertie, car nous avons coutume de nous représenter la Matière comme une masse lourde, & sans action, & comme quelque chose d’absolument passif.§. 148. La force active ne dépendant ni de l’etendue ni de l’inertie de la matiére, on doit se la représenter comme un Etre à part qui dure & qui subsiste par lui-même, & qui donne l’Etre & la perfection à la matiére, qui sans elle seroit un cahos & une masse similaire, qui ne pourroit éxister.

19G: §. 148. Cette erreur de l’imagination a sa source dans une autre erreur, je veux dire dans l’idée que nous formons de la force motrice, que nous nous représentons comme une substance distincte de la Matière, & cette dernière erreur est presque une erreur invincible pour nous, car la force motrice né dépendant ni de l’étendue, ni de l’inertie, nous devons nous la représenter comme un Etre qui dure indépendamment de la matière qu’elle vivifie. [Paragraph summary: Pourquoi la force active doit nous paraitre une substance.] Mais cette force motrice qui nous parait un sujet durable doit aussi nous paraitre un sujet modifiable, car elle a des modes, la vitesse, par exemple, en est un;La force active doit paroître une substance, parce qu’elle a des Modes, la vîtesse, par exemple, en est un; car la force active consiste dans une tendance continuelle de changer de lieu, & c’est par cette tendance que le mobile devient capable de parcourir un certain Espace en un certain tems. Or cette capacité d’employer un certain tems à parcourir un certain Espace, c’est ce qu’on appelle vîtesse; la vîtesse, est donc attachée à la force active, comme à son sujet: mais cette vîtesse peut changer; or, il n’y a que les Modes qui puissent changer dans un sujet; donc la vîtesse est un mode de la force active, & la modification de la force consiste dans la variation de la vîtesse.

20 On appelle l’état interne d’un Etre, les déterminations de ses changemens internes, c’est-à-dire, des changemens qui peuvent arriver dans G: lui-même sans avoir égard aux Etres extérieurs, & l’on appelle son état externe ses différentes rélations avec les Etres exterieurs, ainsi l’état interne de ma Montre par exemple dépend de la disposition des roues les unes à l’égard des autres; mais son état externe est déterminé par les rélations qu’elle obtient avec les autres Etres, comme d’être posée sur la table, sur la cheminée &c. de meme, la vitesse détermine l’état interne de la force motrice, & la direction détermine son état externe, car l’état externe de la force motrice est plutôt tel qu’autrement dans un tems quelconque, parce qu’une vitesse donnée le détermine, mais la direction au contraire n’ajoute rien de nouveau à la vitesse, & à la force, elle fait seulement obtenir au mobile des rélations différentes aux Etres extérieurs [Paragraph summary: La vitesse & la direction sont des Modes de la force motrice] ainsi l’état interne de la force motrice dépend de la vitesse, & son état externe de la direction: or l’état interne, & l’état externe d’un Etre étant variables, il faut que ce qui constitue ces différens états soient des modes, puisqu’il n’y a que les modes d’un Etre qui puissent changer, la vitesse & la direction sont donc des modes de la force motrice. Il suit de tout ceci que la force motrice doit nous paraitre une substance, puisqu’elle dure, & qu’elle a des modes (§. 52), & que par conséquent on doit se réprésenter la Matière comme l’étendue en repos, ce qui a fait dire avec le Père Mallebranche (Recherche de la Vérité livre 6 pag. 452) que si on conçoit simplement de la Matière, sans songer à aucune puissance, on la concevra en repos, ainsi le Père Mallebranche qui se défioit tant ds erreurs de son imagination, s’y est cependant laissé conduire dans cette occasion. lui-même, comme, par exemple, [163] l’état interne de ma Montre dépend de la disposition des rouës les unes à l’égard des autres; mais son état externe est déterminé par les relations qu’elle obtient avec d’autres Etres, comme d’être posée sur la table, sur la cheminée, &c. Ainsi, la force motrice étant susceptible de toues sortes de degrés de vîtesse, & cet état est plûtôt tel dans un tems quelconque que tout autrement, parce qu’une vîtesse donnée le détermine. D’où il suit que la vîtesse est une limitation de la force motrice. F: Paragraph summary: La vitesse & la direction sont des modes de la force motrice. On peut dire de même que l’état externe de la force motrice dépend de la direction de la vîtese; car la direction n’ajoute rien de nouveau à la vîtesse & à la force, elle ne produit d’autre effet que de faire obtenir au mobile des relations différentes aux Corps coéxistans: donc l’état externe de la force motrice dépend de la détermination de la direction.

21 §. 149. G: Quelques-uns regardent; [Paragraph summary: La vitesse ne peut être un Mode de la matiére.]On regarde ordinairementla force motrice comme G: le résultat resultant de la matiére modifiée par la vîtesse, mais cette notion de la force motrice est absolument fausse; car G: l’actualité la possibilité des Modes dans un sujet doit venir ou des objets antérieurs, ou des Modes antécedens de ce sujet (§. 44.). Or, si la vitesse étoit un mode de la matiére, & qu’elle résultât des Corps extérieurs, il faudroit en trouver la raison dans ces Corps extérieurs, qui sont eux-même de la [164] matiére: ainsi, la même question G: reviendroit toujours reviendroit. Cette raison ne peut être non G: plus dans plus les Modes antecédens de l’étenduë, car l’étenduë par elle-même, jointe à la force d’inertie, & sans la force motrice, n’a point de Modes actuels, elle en a seulement de possibles que la force rend actuels. Donc si on admettroit que la vîtesse fût un Mode de la matiére, ce seroit G: reconnaitre reconnoître dans un sujet des Modes ausquels il est inhabile, & qu’il ne sauroit recevoir.

22 De plus, tous les Modes sont les limites de leur sujet; (§. 43.) or la vîtesse G: limite la force motrice, puisqu’elle détermine son état interne (§. 148.); mais elle ne peut jamais être ne peut point être la limite de la matiére, parce qu’en limitant l’étenduë & la force d’inertie, il n’en peut resulter que de la figure & du repos: la vîtesse ne peut donc être un Mode de la matiére.

23 D’ailleurs, dans la notion de la matiére & de l’inertie, qui ne renferme que plusieurs choses éxistantes l’une hors de l’autre, unies Not in G. en un & capables de resister, on ne trouve point la raison suffisante de l’actualité de la vîtesse; il faut donc la chercher ailleurs, & on G: la l’a trouvera dans la G: force; car la force: la force motrice G: consistant dans une tendance continuelle à changer de lieu, & par cette tendance le mobile devenant capable de parcourir un certain espace en un certain tems, qui est ce qu’on appelle vitesse, on trouve dans la force motrice la raison suffisante de l’actualité de la vitesse la force motrice n’est donc point le résultat de la matière modifiée par la vitesse, mais elle doit nous paraitre une véritable substance indépendante de la matière, & qui reçoit des limites par la vitesse comme l’etendue en reçoit par la forme. doit donc être conçûe comme une substance, puisqu’elle peut recevoir des modifications par la vîtesse, & qu’elle dure; car nous ne pouvons douter que la force motrice ne dure, & il est aisé même de prouver que la quantité en demeure toujours la même dans l’Univers. Car puisque la matiére ne périt point, & qu’elle ne sauroit être sans force, [165] il est nécessaire que la quantité de la force demeure la même; puisque la quantité de matiére à laquelle elle est inséparablement attachée, ne diminuë point, la force motrice doit donc nous paroître un sujet durable & modifiable, c’est-à-dire, une substance différente de la matiére, & qui reçoit des limites par la vîtesse comme l’étendue en reçoit par la figure.

24 §. 150. G: La Matière doit aussi nous paraitre une véritable substance, car il L’Etendue est une des propriétés essentielles de la matiére. Il est certain que la matiére dure, puisque l’expérience nous montre que l’étendue subsiste dans la dissolution des composés; l’esprit doit donc concevoir la matiére comme un sujet durable: mais comme la matiére peut avec la même étendue recevoir diverses figures, on doit aussi la concevoir comme un sujet modifiable. Or, puisque tout sujet qui dure & qui peut recevoir des Modes, est une substance, on doit concevoir la matére, c’est-à-dire, l’étendue jointe à la force d’inertie, comme une Not in G.substance, quoiqu’elle tire sa substantialité des Etres simples, comme vous l’avez vû. (§. 134.)

25 §. 151. F: Paragraph summary: Il n’y a de véritable substances que les Etres simples. Il paroît d’abord bien étrange de composer les Corps des deux substances comme l’étendue & la force active, & d’admettre une espece d’action d’une substance immatérielle, telle que la force active, sur G: une substance matérielle telle que l’étendue la matiére, mais comme d’un coté les Phénomenes montrent [166] la substiantialité de la force active, de même que celle de la matiére, & que de l’autre, il y a des difficultés G: insurmontables à admettre ces deux substances dans les corps, on insurmontables, qui s’y opposent, on en doit conclure que ni la matiére, ni la force active ne sont de véritables substances, mais qu’il faut remonter plus haut, et chercher leur source dans quelque chose d’antérieur, d’où l’on puisse montrer pourquoi la force active & la matiére doivent paroître des substances & des substances différentes, & cette recherche nous conduira aux Elemens qui sont la source commune de l’une & de l’autre.

26 §. 152. F: Paragraph summary: L’etenduë ni la force ne sont point de véritables substances. La matiére & la force active, qui nous G: paraissent paroissent des substances, n’en sont pas réellement; de même que G: vous avez l’on a vû (§. 134.), que l’étendue n’est pas une substance, mais un aggregat, un composé de substances: Not in G. il en est de même de la force active, & de la force passive; ce ne sont que des Phénomenes qui resultent de la confusion, qui régne dans G: nos perceptions, & qui est une suite de l’imperfection de nos organes, & des limitations de notre Etre. nos organes, & dans nos perceptions.

27 G: Vous avez déja vu (§.108) comment l’exemple des couleurs §. 153. G: Paragraph summary: Ce sont des Phénomenes qui résultent de la confusion des réalités. Les couleurs & toutes les qualités sensibles peuvent éclaircir ce que j’entens par cette G: confusion. Toutes les autres qualités sensibles peuvent aussi nous en fournir des exemples, & servir à vous faire comprendre que tout ce que nos sens apercoivent ne sont que des phénomènes qui cesseroient d’éxister pour nous, si nos organes devenoient plus parfaits, & nos perceptions plus distinctes, ainsi le degré d’imperfection de nos organes nous est nécessaire pour voir les objets tels que nous les apercevons, & dans plusieurs occasions nos plaisirs sont attachés à la confusion qui en est une suite. confusion, d’où naissent les Phénomenes que nos sens apperçoivent; ce dégré de confusion & d’imperfection de nos organes nous est nécessaire, pour voir les objets tels que nous les appercevons; un Etre plus parfait que nous, auroit de toutes autres idées, & verroit les choses [167] tout autrement que nous, & pour qu’il pût voir les mêmes objects que nous, & recevoir les mêmes impressions, il faudroit qu’il se dépoüillât de la faculté d’appercevoir distinctement; car la distinction des parties, & les Phénomenes qui résultent de leur confusion, & qui naissent de l’enesmble sont incompatibles: voilà pourquoi une statue qui est faite pour être placée sur une grande élevation nous paroît placée sur une grande élevation nous paroît hideuse & grossiére, quand nous la voyons de près, & hors du point de vûe, pour lequel elle est destinée, parce que l’on se fait alors une idée distincte de tous les traits, desquels le tout qui fait le visage, doit resulter, & cela, parce que ces traits sont trop grands, pour qu’on les puisse confondre, passé une certaine distance, au point où il faut qu’ils le soient pour faire une image agréable.

28 G: Les choeurs de l’Opéra, par exemple, ne C’est par la même raison que les Choeurs de l’Opera ne font point la même plaisir à ceux qui sont dans les coulisses, qu’à ceux qui sont dans les Loges; car lorsqu’on est très-près des Voix qui G: forment font des Choeurs, on les distingue chacune en particulier, & l’on en perd l’ensemble qui en fait G: l’agrément. Il en est de même d’une statue faite pour être placée dans un lieu fort élevé & qui parait grossière, & disproportionnée lorsqu’on la voit de près, car les traits de cette statue étant trop grands pour qu’on les puisse confondre, passé une certaine distance, on se fait une idée distincte de chacun de ces traits, & par-là le plaisir qu’elle devoit nous faire se change en desagrément; car ce plaisir résulte d’un certain dégré de confusion, & le point, où il commence, s’appelle le point de vue de cette statue, passé lequel, elle ne peut plus exciter d’idée agréable en nous. Il suit de tout ceci, qu’un Etre plus parfait que nous, ne seroit pas susceptible des mêmes plaisirs, & qu’il auroit de toutes autres idées des choses qu’il verroit tout autrement que nous; & pour qu’il pût voir les mêmes objects que nous, & recevoir les mêmes impressions, il faudroit qu’il se dépouillât de la faculté d’appercevoir plus distinctement que nous; car la distinction des parties, & les Phénomènes qui résultent de leur confusion, & qui naissent de l’ensemble, sont incompatibles. la beauté.

29 F: Paragraph summary: Exemple de cette confusion pris des couleurs. La façon dont les Peintres font leur couleurs & surtout celle dont le blanc est composé, nous fournit encore une exemple palpable de cette vérité: car du bleu & du jaune mêlés ensemble nous donnent du vert, mais ce Phénomene qui n’étoit qu’une apparence, disparoît, [168] quand nous nous servons d’un Microscope, qui nous fait voir distinctement ce que nous voyons confusement: car le Phénomene du vert n’éxistoit que par cette confusion, & il n’avoit de réel que des particules bleues & jaunes mises auprès les unes des autres: de même la couleur blanche n’est qu’un Phénomene qui naît de la confusion, qui se fait sur notre retine, de toutes les couleurs primitives; le prisme fait disparoître ce Phénomene. Ainsi, un Etre dont les yeux seroient des prismes naturels, n’auroit pas plus d’idée du blanc qu’un sourd n’a l’idée du son. On voit qu’à mesure que notre vûe seroit plus distincte, les Phénomenes que nous prenons pour des réalités, disparoîtroient; & on sent aisément que cette distinction ascendante, & cette confusion decroissante pourroient avoir des dégrés presqu’infinis, si nos organes en étoient susceptibles, & que tous les Phénomenes qui tombent sous nos sens, & que nous prenons pour des réalités, faute de distinguer ce qui les produit, disparoîtroient l’un après l’autre, & dans le sistême de M. de Leibnits cette gradation nous meneroit jusques aux Etres simples ou aux Monades, qui sont selon lui, l’origine de tout ce que nous voyons, & les seules substances réelles qui éxistent.

30 §. 154. Il est donc certain qu’il n’y a rien dans la Nature, comme les couleurs & les objets qui resultent de leurs assemblages, ni comme les [169] saveurs, les sons, & toutes les qualités sensibles, & que toutes G: ces les choses n’éxistent qu’autant qu’il éxiste des Etres, qui, en confondant les réalités qu’ils ne sauroient discerner, font naître chez eux ces images, qui ne sont que des Phénomenes; car on entend par Phénomene, des images ou apparences, qui naissent par la confusion de plusieurs réalités: & il importe infiniment de distinguer l’image, qui naît en nous de la confusion d’une infinité de choses que nous ne distinguons point, de la réalité de ces choses; car cela est souvent fort différent, & c’est en se rendant attentif à cette distinction, que l’on peut pénétrer jusqu’à l’origine des Phénomenes.

31 §. 155. F: Paragraph summary: Comment les Phénomenes de l’etenduë, de la force active & de la force passive peuvent résulter de la confusion des Etres simples. C’est par ce moyen que nous pouvons parvenir à découvrir, comment les Phénomenes de l’étenduë, de la force motrice & de la force d’inertie, resultent G: pour nous de l’impossibilité où nous sommes de discerner les déterminations internes de chaque Etre simple, & les rélations infinies qu’ils ont entre eux. Vous avez déja vu (§134.) comment de la confusion des Etres simples. On a vû déja comment le Phénomene de l’étenduë en resulte: la force active, & la force passive G: en naissent de même sont dans le même cas; car chaque Etre simple étant continuellement en action, & cette action ayant une relation, une harmonie avec les actions de tous les Etres simples, toutes ces actions qui conspirent ensemble, doivent paroître aux sens une seule & unique action. Ainsi, il est impossible que nous puissions nous représenter distinctement la force motrice: on la concevroit distinctement, si on [170] pouvoit se représenter de quelle façon la force réside dans G: chaque un Etre simple, pour engendrer enfin, dans le composé que tous ces Etres forment par leur aggregat, cette force motrice, dont les effets tombent sous nos sens: or comme nous ne pouvons point distinguer ces choses les unes des autres, nous appercevons dans la force une infinité de choses à la fois, que nous ne distinguons point, & que par cette raison nous confondons en une seule, & nous ne nous représentons que ce qui resulte de cette confusion, qui est une image infiniment différente des réalités qui y entrent. Ainsi, on voit que la force motrice, telle que nous la figurons & qu’elle tombe sous nos sens, n’est qu’un Phénomene, qui ne naît dans nous, que parce que nous voyons de très loin les réalités qui la constituent, c’est une apparence comme l’étendue.

32 §.156. La force passive ou la force d’inertie est aussi un Phénomene, parce que nous ne voyons point distinctivement le principe passif qui se trouve dans chaque Element, ni la façon dont par la multiplication & le confusion de toutes leurs résistances relatives & G: opposées conspirantes, la force d’inertie peut resulter dans les composés.

33 Les trois propriétés qui font l’essence du Corps, sont donc des Phénomenes, mais on peut dire que ce sont des Phénomenes subsantieés, comme les appelle M. Wolf, c’est-à-dire, [171] des Phénomenes qui nous paroissent des substances, mais qui n’en sont cependant pas; car il n’y a de véritables substances que les Etres simples; or comme on a vû dans le Chapitre précedent que les Elemens doivent contenir l’origine de tout ce qui se trouve dans les Corps qui en sont composés, puisqu’il se trouve de l’action & de la résistance dans les Corps, on en doit conclure que les Etres simples ont un principe actif, par lequel on peut comprendre pourquoi les composés agissent, & un principe passif, d’où les passions ou la faculté de patir des composés, resulte.

34 §. 157. L’étendue & la force paroissent donc des substances très-différentes, quoiqu’elles reconnoissent une même origine, qui est les Etres simples; car l’étendue de la matiére provient de l’agregat des Etres simples, & la force motrice & resistante se manifeste, en tant que ces Elemens agrégés possedent en eux un principe actif & resistant. Or comme nous pouvons fort bien par abstraction mentale concevoir l’agregat, sans fair attention à ce qui est dans chaque agrégé, de même nous pouvons concevoir ce qui est dans chaque Element, sans faire attention à leur agrégation. Ainsi, les deux idées de l’étendue & de la force, doivent nous paroître très différentes, & indépendantes l’une de l’autre, quoique l’une & l’autre n’ayent de substantiel que ce qu’elles tirent des Elemens, car [172] cette substantialité entre dans l’une & dans l’autre de ces notions d’une maniére très-différente.

35 §. 158. F: Paragraph summary: De la force primitive & de la force dérivative. Il y a deux sortes de G: forces actives. force motrice; M. de Leibnits appelle la force qui se trouve dans tous les Corps, & dont la raison est dans les Elemens, force primitive, & celle qui tombe sous nos sens, & qui naît dans le choq des Corps, du conflict de toutes les forces primitives des Elemens, force derivative; cette derniére force G: dérive découle de la premiere, & n’est qu’un Phénomene, comme je vous l’ai expliqué plus haut (§. 155.).

36 §. 159. La force primitive étant le résultat des déterminations internes des Elemens, on ne peut l’expliquer distinctement, sans connoître G: ces les déterminations; mais comme on n’est pas encore G: parvenu à connaitre allé assez loin dans cette matiére, pour connoître ces déterminations internes des Elemens, nous devons nous contenter pour le présent de sçavoir que cette force éxiste; Not in G. or c’est cette force primitive, que l’on regarde comme un sujet durable & modifiable (§.152), en faisant abstraction des modifications actuelles, qu’elle reçoit par la vîtesse & la direction.

37 §. 160. La force primitive étant indifférente à toutes sortes de vîtesses & de directions, on ne peut s’en servir pour rendre raison, pourquoi [173] dans un cas donné, un corps a une vîtesse quelconque, & pourquoi il se meut dans une certaine direction, G: puisque par la seule force primitive il pourroit s’émouvoir dans une autre direction, avec une toute autre vitesse puisqu’il pourroit se mouvoir en toute autre direction, & avoir une toute autre vîtesse. Ainsi, pour rendre raison des Phénomenes particuliers, on ne peut se servir de la force primitive; car il ne faut jamais alléguer des raisons éloignées, G: lorsqu’on lorsque l’on en demande d’immédiates & de prochaines, puisque ce seroit retourner aux formes substantielles de l’Ecole: mais par les raisons générales, on ne peut expliquer que les Phénomenes en général, & il faut en venir à des raisons immédiates, lorsqu’il s’agit des Phénomenes particuliers. F: Paragraph Summary: C’est par la force dérivative qu’on peut rendre raison de ce qui arrive dans le choq des Corps. C’est donc par la force derivative qui naît du choq des Corps, qu’on peut rendre raison des Phénomenes qui naissent du mouvement, par l’action des Corps les uns sur les autres, & par laquelle la force primitive est modifiée, & limitée, lorsqu’elle reçoit une certaine vîtesse & une certaine direction: or come le Corps ne peut point se donner par lui-même cette vîtesse & cette direction, il faut qu’il la reçoive par le choq des Corps environnans, & par-là la force dérivative devient explicable distinctement, parce que l’on peut expliquer par les loix du mouvement pourquoi un Corps ayant été choqué, il se meut avec une vîtesse plûtôt qu’avec toute autre, c’est-à-dire, pourquoi la force primitive a été modifiée de cette maniére dans un cas donné. [174]

38 §. 161. F: Paragraph summary: Ce qu’on doit entendre par Nature. Les Philosophes ont eu de grandes disputes sur ce qu’on appelle Nature. Plusieurs ont voulu bannir ce mot de la Philosophie, parce que, disoient-ils, on en fait une idole que l’on met à côté de Dieu pour expliquer les G: Phénomènes. Il est donc essentiel de vous avertir qu’on entend par la nature des Corps la force qu’ils ont pour agir, & pour résister, car tous les changemens qui arrivent dans les corps, c’est-à-dire dans l’étendue, sont explicables par ces deux principes, ainsi ce n’est point un petit Dieu qui a soin de gouverner la machine du Monde, & c’étoit un véritablePhénomenes; mais comme on a vû que les Corps ont une puissance d’agir & de pâtir, & qu’ils ont aussi une force active & passive, puisqu’ils agissent, & qu’ils pâtissent en effet, on peut appeller, avec les Anciens, cette puissance d’agir & de pâtir jointe à la force active & passive, Nature, & l’on ne doit point se revolter contre ce mot ni contre l’usage que l’on en fait, lorsque l’on dit que par la Nature des Corps, tous les changemens qui leur arrivent, deviennent explicables: car par la puissance active, on voit pourquoi une action peut arriver, & par la force, pourquoi il devient actuelle, & tous les changemens des corps doivent être explicables par ces deux principes.

39Phénomènes. Il est donc essentiel de vous avertir qu’on entend par la nature des Corps la force qu’ils ont pour agir, & pour résister, car tous les changemens qui arrivent dans les corps, c’est-à-dire dans l’étendue, sont explicables par ces deux principes, ainsi ce n’est point un petit Dieu qui a soin de gouverner la machine du Monde, & c’étoit un véritableQuand F: Paragraph summary: Fausse idée de quelques Philosophes sur la Nature. on parle de la Nature en général, on entend un principe interne des changemens qui arrivent dans le monde: ainsi, ce n’est point un petit Dieu distinct du monde, qui a soin de gouverner cette machine, ce n’est que la force motrice jointe aux autres propriétés, qui composent avec elle l’essence des Corps; cette force motrice est le seul principe de mouveent dans l’Univers, & c’est par elle que l’on peut comprendre pourquoi les changemens possibles deviennent actuels. Ainsi, c’étoit un véritable fantôme [175] que cette Nature, que M. Boyle a voulu détruire dans son livre sur la Nature, lorsqu’il rejette ce qu’on appelle Nature, parce qu’il lui paroît absurde de composer le monde de deux substances qui se pénetrent, la matiére, & la G: nature; car lorsqu’on dit qu’un effet est naturel, quand il nature. Ainsi, quand on dit qu’un effet est naturel, lorsqu’il peut s’expliquer par l’essence de l’Etre & par son nature, cela veut dire par sa construction, & par son mouvement.

40 §. 162. F: Paragraph summary: Comment on doit rendre raison des Phénomenes. Nous ne pouvons guerre nous flatter de découvrir autre chose par nos recherches que des qualités Phyiques, des figures, des mouvemens, &c. par où nous pouvons atteindre à la raison la plus G: prochaine proche de quelques effets; car il faut tâcher, autant qu’il est possible, d’expliquer les Phénomenes méchaniquement, c’est-à-dire, par la matiére, & le mouvement; & quand la possibilité de cette explication surpasse nos forces, nous devons avouer notre ignorance, & nous bien souvenir que la volonté du Créateur étant la source de l’actualité, mais non de la possibilité des choses, nous n’avançons pas plus en recourant à cette volonté pour expliquer les Phénomenes, que, si en voulant rendre raison du mouvement regulier de l’éguille d’une Montre, nous disions que c’est parce que l’Ouvrier l’a voulu ainsi; car outre la volonté de l’Ouvrier, qui l’a porté à arranger ensemble d’une certaine maniére des pignons & des roues, il falloit encore que cette combinaison pût [176] produire une Montre, c’est-à-dire, qu’une Montre fût possible: ainsi, dans ce grand automate de l’Univers, l’état présent est né du passé, & fera naître le suivant; & tous les changemens méchaniques G: naissent découlent de l’arrangement des parties, & des régles du mouvement, & ce qui ne G: suit découle pas de ces principes, n’éxiste point.

41 §. 163. Quand on dit qu’il faut tâcher de rendre raison de tous les effets naturels par la matiére et le mouvement, cela ne veut pas dire que l’on soit obligé de trouver cette raison pour tous les Phénomenes, ni de remonter jusqu’à la raison premiere des choses; la foible portée de notre esprit et l’état présent des Sciences ne le permettent G: pas. Mais, quoique nous ne puissions pas toujours voir ces raisons, il est certain que tout qui éxiste a la sienne, & nous devons ou la supposer dans nos explications, ou tâcher de la découvrir, car ceux qui ne veulent point admettre des miracles perpétuels doivent rendre raison des effets naturels par la matière, & le mouvement, & tous ceux qui ne sont pas expliquables par les principes, ne doivent point être expliqués, car nous ne devons nous occuper que des choses que nous pouvons concevoir distinctement, & expliquer intelligiblement.pas: mais on peut s’arrêter à des qualités Physiques, & se servir d’un Phénomene ou de plusieurs, dont on ne connoît point encore les raisons méchaniques, (quoiqu’ils en ayent) pour rendre raison d’un autre Phénomene, qui en dépend. Ainsi, on se sert de l’élasticité de l’air, de la fluidité de l’eau, de la chaleur du feu, qui sont des qualités Physiques, dont on n’a pas encore trouvé l’explication méchanique (quoiqu’il y en ait une) pour rendre raison d’autres propriétés, qui se rencontrent dans la nature, & qui naissent du mélange de quelques-unes de celles-là, comme l’ascension de l’eau dans une pompe, que l’on explique par l’élasticité de l’air sans être [177] obligé de faire voir la raison de cette élasticité; car c’est une nouvelle question, & quand même cette nouvelle question ne pourroit être résolue, cela n’empêcheroit qu’on ne pût expliquer l’ascension de l’eau par cette élasticité: de même, quand on rend raison des effets d’une Montre, on employe les principes méchaniques, quand il n’est question que de l’arrangement & de la configuration des parties; mais quand on passe plus avant, à l’élasticité du ressort, & à la matiére qui compose ces parties, en tant que fusible, malleable, &c. on arrive à des qualités Physiques, qui dépendent à leur tour d’autres principes méchaniques, que l’on n’apperçoit pas à la vérité toujours, & que l’on suppose comme donnés dans l’explication dont il s’agit: & quand même on connoîtroit ces principes, on ne devroit pas les expliquer alors, parce que leur explication entraîneroit dans d’autres questions, qui ne sont pas celle qu’on traite.

42G: pas. Mais, quoique nous ne puissions pas toujours voir ces raisons, il est certain que tout qui éxiste a la sienne, & nous devons ou la supposer dans nos explications, ou tâcher de la découvrir, car ceux qui ne veulent point admettre des miracles perpétuels doivent rendre raison des effets naturels par la matière, & le mouvement, & tous ceux qui ne sont pas expliquables par les principes, ne doivent point être expliqués, car nous ne devons nous occuper que des choses que nous pouvons concevoir distinctement, & expliquer intelligiblement.§. 164. F: Paragraph summary: Précaution nécessaire pour admettre l’attraction Newtonienne. C’est ainsi qu’on peut, & qu’on doit se servier de l’attraction comme d’une qualité Physique, dont la cause méchanique est inconnue, pour rendre raison d’autres Phénomenes qui en résultent. Ainsi, on peut assûrer, par exemple, que le Soleil attire les Planetes & d’autres matiéres qui les environnent, puisque les Phénomenes le démontrent, pourvu qu’on ne fasse pas de cette attraction une propriété [178] inhérente de la matiére, & qu’on ne détourne pas les Philosophes d’en chercher la cause méchanique; car ceux qui ne veulent point admettre dans la Philosophie des miracles perpetuels, doivent rendre raison des effets, par l’essence des choses & par le mouvement, & tout ce qui n’est point explicable par ces principes, n’est point du ressort de la Philosophie, qui ne doit s’occuper que des effets naturels, qu’on doit concevoir distincement, & expliquer intelligiblement.