CHAPTER ONE
- CHAPTER ONE
- First Chapter (Version H)
First Chapter (Version H)
Des principes de nos connoissances
1[37/38r/1] Toutes nos connoissances naissent les unes des autres, et sont fondées sur
de certains principes dont l’esprit
reconnoit la verite meme sans y
reflechir parcequ’ils sont Evidens par
eux memes.
2 Il ya des verités qui tiennent immediatemt a les premiers principes, et qui n’en
decoulent que par un petit nombre de
conclusions, alors l’esprit apercoit
aisement la chaine qui y conduit, mais
il est facile de la perdre
de vuë dans larecherche des verités aux
quelles on ne peut arriver que par ungrand
nombre de consequences lieés les unes aux
autres, il est donc tres important de se
rendre attentif aux premiers principes
et ala façon dont les verités en decoulent
si l’on ne veut point s’egarer.
Inserted at the margin§. II.
3On a beaucoup abusé du mot de principes, les Scholastiques qui ne démon
troient rien donnoient pr principes des mots inintelligibles,
descartes qui sentit combien cette
maniere deraisoner eloignoit les homes du vrai, comença par Etablir [38v/2] qu’on ne doit raisoner que sur des idées claires, mais il poussa trop loin ce principe,
car il admit que l’on pouvoit s’en raporter a
un certain sentiment vif et interne declarté
et d’evidence pr fonder nos raisonemens
mais cette methode ns conduiroit a
detranges Erreurs, et ne serviroit qu’a Eterniser
les disputes, car les gens qui ont des sentimens
oposés ont chaqu’un ce sentiment vif et
interne decequ’ils avancent, ainsi aucun
ne doit se rendre, puis que l’evidence est
Egale des deux cotes, il faut donc
substituer des demonstrations aux illusions
de notre imagination, et ne rien admettre
come vrai que cequi decoule d’une maniere
incontestable des premiers principes
que personne ne peut revoquer endoutte
et rejetter come faux tout cequi est
contraire aces principes, ou aux verités
que l’on a Etablies par leur moien
quoiqu’en puisse dire l’imagination.
§. III
4Un peu dattention a la maniere donton procede dans la science oulacertitude est
portée a son plus haut point sufira pr faire
sentir lutilité decette methode, il ni agueres [38/39r/3] d’idée plus claire, P E, quecelle delapossibilité d’un triangle Equilateral, et que les
deux cotés d’un triangle sont plus longes,
pris ensemble, que le troisieme, cependant
Euclide ce severe raisoneur nes’estpoint
contenté d’en apeller ausentiment vif et
interne que ns avons de ces verités, mais
il les ademontrées en rigueur, en faisant
voir coment il faut s’y prendre pr construire
un triangle equilateral, et quil implique
contradiction que 2 cotés d’un triangle pris
ensemble ne soient pas plus grans que le troisieme.
§. IV.
5On apelle contradiction, cequi affirme et nie la meme chose en meme tems ce principe est le premier axiome sur lequel toutes les verités sont fondées
tout lemonde laccorde sans peine
[e]t il seroit meme impossible dele nier sans [m]entir asa propre conscience, car ns sentons que ns ne pouvons point forcer notre esprit
[a] admettre qu’une chose est, et n’est pas en memetems, et que ns ne pouvons point nepas
[a]voir une idée pendant que ns l’avons, ni voir un corps blanc come sil Etoit noir pendant
que ns le voyons blanc, les pirrhoniens meme
qui faisoient profession dedoutter detout
nont jamais nié ce principe, ils nioient bien a la verité quil yeut aucune realité dans les choses, [39v/4] mais ils nedouttoient point quils eussent une idée pendant qu’ils l’avoient.
6 Descartes a Employé ceprincipe au comencemt desa philosophie pr ns faire parvenir ala conoissance
de notre Existence, car il est certain
que celui qui doutteroit s’il Existe auroit
dans son doutte meme une preuve deson
Existence puisqu’il implique contradiction
quel’on ait une idée quelle quelle soit, et
parconsequent undoutte, et que l’on n’existe
pas.
7 Cet axiome est lefondement detoute certitude dans les connoissances humaines, car si l’on
accordoit une fois quequelque chose put
Exister et nexister pas en meme tems, il ni auroit
plus aucune verité, meme dans les nombres, et chaque chose pouroit
etre ou netre pas selon la fantaisie de
chaquun, ainsi 2 et 2 pouroient faire
4 ou 6 Egalement, et meme a la fois.
§ V.
8Il decoule decequel’on vient dedire que limpossible est cequi implique contra
diction, et le possible cequi ne l’implique
point. [39/40r/5] Plusieurs philosophes donnent une autre definition du possible et del’impossible
et regardent come impossible cequi ne donne
point d’idée claire et distincte, et come possible cequ’on peut concevoir et a quoi repond une
idée claire, cette definition bien Expliquée
pouroit Etre admise, mais il faut bien pren
dre garde quelle ne ns induise pas
a prendre des notions
trompeuses et deceptrices pr des notions claires, car il arrive quelquefois que ns ns
formons des idées trompeuses
qui ns paroissent Evidentes fautte d’attention
et parceque ns avons une idée de chaque
terme en particulier quoiqu’il soit impossible
d’en avoir aucune dela frase qui nait deleur
combinaison, ainsi on croira dabord entendre
ce que l’on veut dire par un triangle si on le
definit une figure renfermée entre
2 lignes droites, et on croiroit parler
dun corps regulier, en parlant d’un corps
qui auroit neuf faces Egales entreelles, parceque l’on entend tous les termes [40v/6] qui entrent dans ces propositions, cependant il implique contradiction que deux lignes droites
renferment un espace, et fassent une figure
et vs avés vu dans lageometrie quil est
impossible qu’un corps ait neuf faces egales et
semblables.
9 On a encore un Exemple deces idées deceptrices dans le mouvemt leplus rapide dune rouë dont mr. de leibnitz sest servi contre les Cartesiens, car il est aisé defaire voir
que le mouvemt le plus rapide est impossible
puisqu’en prolongeant un rayon quelquonque
ce mouvemt devient plus rapide a
linfini, on voit par ces Exemples
quilest tres possible decroire avoir une
idée claire dune chose dont cependant
ns navons reellement aucune idée.
10 Il est donc indispensablemt necessaire pr se preserver del’erreur de verifier ses idées, d’en
demontrer la realité etden’en point
admettre come indubitable quon ne se
soit assuré par l’experience oupar
la demonstration quelle nerenferment
rien defaux ni dechimerique.
§. VI.
11Il nait dela definition delimpossible que [40/41r/7] ie viens de vous donner une regle bien importante, c’est quelorsque nous
avançons qu’une chose est impossible
ns somes tenus demontrer qu’on y
nie et quon y affirme lameme chose
en meme tems, ou bien quelle contredit
a une verité deja demontrée cette regle Éviteroit bien
des disputes si elle etoit suivie
car elle oteroit tout d’un coup
ledoutte des propositions
et feroit voir linsufisance
des preuves deceux qui
traitent dimpossible tout
ce qui est contraire a
leurs opinions.
12 Il faut avoir lameme precaution pr asurer quune chose est possible, car il faut etre en Etat demontrer
qu’elle ne contient aucune contradiction, sans
cette condition nos idées nesont que des opinions
plus ou moins probables, mais dans les quelles
il ni a aucune certitude.
§. VII.
13Le principe de contradiction a Eté de tout tems en usage dans la philosophie
aristote et apres lui tous les philosophes
s’en sont servi ceprincipe suffit dans
toutes les verités necessaires, c’est a dire dans les verités
qui nesont determinables que d’une seule
maniere, car c’est ceque l’on
Entend par le terme denecessaire mais quand il sagit de verités
contingentes, c’est adire lors quil est
possible quune chose Existe de diferentes manieres, et quaucune de ces [41v/8] determinations nest plusnecessaire qu’une autre alors lanecessité dun autre
principe se fait sentir parce quecelui de
contradiction naplus lieu, aussi les anciens
qui ignoroient ce second principe denos
connoissances se trompoient ils sur les points
les plus importans dela philosophie.
§. VIII.
14Ce principe duquel toutes les verités contingentes dependent, et qui n’est ni moins primitif
ni moins universel quecelui decontradiction
est leprincipe dela raison sufisante tous les hommes le suivent naturellemt
et ordinairemt sans quils s’en apercoient
car il ni en a aucun qui se determine a une
chose plutost qu’a une autre sans une
raison sufisante qui lui fasse voir que
On the bottom of the page we find the following passage to be inserted fol. 44v (see paragraph 22 below): equilibre, il fit voir que dans cette egalité de bras etdepoids labalance devoit rester en repos parcequil nauroit point de raison sufisante pourquoi l’un des bras des[cen]droit plutot que l’autre. cette chose est preferable al’autre. [41a/42r/9]
15 Quand on demande compte aquelquun de ses actions on
pousse ses questions jusqu’aceque
l’on soit parvenu a decouvrir uneraison
qui ns satisfasse, et ns sentons Read: dans tous dantous les cas que ns ne pouvons point forcer
notre esprit a admettre quelque chose sans
une raison sufisante, cestadire, sans une raison qui ns fasse comprendre pour[-]quoi cette chose est ainsi plutost quetout autremt.
16 Si on vouloit nier cegrand principe on tomberoit dans d’etranges contradictions
car on ne pouroit assurer d’aucune
chose qu’elle est lameme qu’elle Etoit
lemoment d’auparavant, puis quecette
chose pouroit se changer atout moment
dans une autre dune autre espece
desque l’on admet quil peut arriver
quelque chose sans une raison sufisante
ainsi il ni auroit pr ns de verité que
pr un moment.
17 J’assure par Exemple que tout est Encore dans ma chambre dans letat
ou ie l’ay laissé parceque ie suis
assuré que personne ni est entré [42v/10] depuis que i’en suis sorti, mais si leprincipe delaraison sufisante n’a
paslieu, macertitude devient
une chimere puis que tout pouroit
etre bouleversé dans ma chambre
sans quil y fut entré personne capable
deladeranger.
18 Sans ce principe G: on ne pouroit il ni auroit
point dechose identique car
G: on apelle identique cequi peut etre subsitué alaplace l’un delautre deux choses sont identiques
lorsquelon peut sustituer lune
alaplace delautre sans quil arrive aucun changemt
cette definition est recuë de
toutlemonde, ainsi par exemple
si i’ay une boule depiere etune
boule deplomb etque ie puisse mettre
lune ala place del’autre dans le
bassin d’une balance sans quela
balance change desituation, ie dis
G: que les boules sont identiques en poids que le poids de ces boules est le
meme et quelles sont
identiques quant aleur
poids, cependant sil pouvoit
arriver quelque chose sans une
raison sufisante, ie ne pourois
prononcer quele poids de ces boules
est identique, puis quil pouroit
arriver un changemt dans lune
qui nariveroit pas dans lautre
et par consequent leur poids
ne seroit plus identique cequi
est contre la definition.
19 S’il pouvoit arriver quelque chose sans raison suffisante on ne pouroit plus dire que cet
univers dont toutes les parties
sont si bien lieés entre elles n’apu
etre produit que par une sagesse
supreme, car sil peut yavoir
des effets sans raison
suffisante tout cela eut pu etre produit
par le hazard, cestadire par rien.
20 Cequi arrive quelquefois en songe ns fournit l’idée d’un monde
fabuleux outous les Evenemens arri
veroient sans raison suffisante
ie reve que ie suis dans ma chambre
occupé a escrire, tout d’un coup
ma chaise se change en un cheval
ailé etie me trouve en un instant
acent lieuës de lendroit ou ie suis
et avec des personnes qui sont mortes
depuis longtems, etdautres semblables chimeres, tout celanepeut [42/44r/11] arriver dans cemonde parcequil ni auroit pointderaison suffisante
detous ces effets, car lorsque ie sors
dema chambre ie puis dire coment, et
pourquoi i’en sors etie ne vais point
d’un lieu dans une autre sans passer
par les lieux intermediaires, cependant
toutes ces chimeres seroient Egalemt
possibles s’il pouvoit yavoir des
effets sans raison sufisante, etcest
ceprincipe qui distingue lesonge dela
veille, et le monde reel des mondes
fabuleux que l’on ns depeint
dans les comptes des fées, ainsi
ceux qui nient leprincipe de
laraison suffisante sont des habitans
dun monde fabuleux qui nexiste
point, mais dans celui cy tout
doit se faire avec raison sufisante.
21 Dans lageometrie outoutes les verités sont necessaires,
on ne
se sert que du principe decontradiction [44v/12] car par Exemple dans un triangle lasomme des angles n’est
determinable que d’une seule
maniere, et il faut absolument
quils soient Egaux a 2 droits
mais
lorsquil est possible qu’une
chose se trouve endiferens Etats
ie nepuis assurer quelle setrouve
dans un tel Etat plutost que
dans un autre amoins que ie n’allegue
une raison deceque j’affirme, ainsi
P E ie puis etre assis, couché, ou
debout, toutes ces determinations
dema situation sont Egalemt pos
sibles, mais quand ie suis debout
il faut qu’il yait une raison
sufisante pourquoi ie suis
debout et non pas assis ou couché.
22 Archimede passant dela geometrie ala mechanique reconnut bien le besoin delaraison
suffisante, car voulant demontrer
qu’une balance abras egaux chargée de poids Egaux restera en [40/41v/8] See apparatus entry paragraph 14. equilibre, il fit voir que dans cette Egalité de bras etdepoids labalance devoit rester en repos parcequil niauroit point
deraison sufisante pourquoi l’un des bras descendroit
plutot quel’autre. [43/45r/13]
23 Mr. de leibnits qui Etoit tres attentif aux sources des nos raisonems
saisit ce principe, le developa, et fut lepremier
qui l’enonça distinctemt et qui lintroduisit
dans les sciences.
24 Il faut avouer qu’on ne pouvoit leur rendre un plus grand service, car laplupart des
faux raisonemens n’ont d’autre source
quel’oubli de laraison sufissante et l’on vera
bientot que ce principe est le seul fil qui puisse
ns conduire dans les labirinthes
derreur que lesprit humain s’est bati pr
avoir leplaisir de s’y Egarer.
25 Il faut donc ne rien admettre decequiviole cet axiome fondamental
il est la bride delimagination
qui fait des ecarts sans nombre
des qu’on nelassujettit pas aux regles d’un
Here we find a note which says to insert a passage to be found fol. 45v that begins as follows: il faut bien &ce pag 14§. IX. § IX. goes from fol. 45v to 46v. raisonement severe. [45v/14]
§. IX.
26Il faut bien distinguer entre possible et actuel, on a vue ci dessus, quetoutce [44/46r/15] qui nimplique point contradiction est possible mais il n’est pas actuel, il est possible
par Exemple que cette table qui est quarrée
devienne ronde, cependant cela n’arrivera
peutetre jamais, ainsi tout cequi existe
Etant necessairemt possible on peut conclure
delexistence ala possibilité, mais non pas
dela possibilité al’existence.
27 Afin qu’une chose soit, il ne suffit donc pas qu’elle soit possible, il faut encore que
cette possibilité ait son accomplissement, et
c’est cequ’on apelle Existence, or une chose ne peut parvenir alexistence
sans une raison suifisante parlaquelle
un etre intelligent puisse comprendre pourquoi
cette chose devient actuelle de possible qu’elle
Etoit auparavant, ainsi il faut qu’une
cause contienne non seulemt le principe
del’actualité de lachose, dont elle est cause
mais encore laraison sufisante decette
chose, c’est adire, ce, parou un etre
intelligent puisse comprendre pourquoi
cette chose Existe, car tout home qui
fait usage desa raison, ne doit pas secontenter desavoir qu’unetelle [46v/16] chose est possible, et qu’elle Existe, mais il doit encore savoir laraison pourquoi elle
Existe, et sil ne voit pas cette raison
come il arrive souvent quand les
choses sont trop compliquées
il faut du moins quil soit Read: assuré assure quon ne sauroit demontrer quela
chose dontil sagit nepeutavoir de
raison sufisante deson Existence
ainsi il faut quil yait dans toutce
qui Existe quelque chose par ou
lon puisse comprendre pourquoi
cequi est a pu Exister, et c’est cequon
apelle Here we find a note which says to insert a passage to be found fol. 45r that begins as follows: §. X. Ce principe banit &ce pag. 13. raison sufisante. [43/45r/13]
§. X.
28Ce principe banit dela philosophie tous les raisonemens
ala scolastique, car les scolastiques
admettoient bien qu’il ne se fait rien
sans cause, mais ils alleguoient pr
causes, des natures plastiques, des ames vegetatives, et dautres mots vides desens, mais quand on a une fois Etabli qu’une cause n’est [45v/14] bonne qu’autant quelle satisfait au principe dela raison sufisante, cest adire quautant
quelle contient quelque chose par ou on puisse
faire voir coment etpourquoi un effet
peut arriver alors on nepeut plus
sepayer de ces grans mots qu’on mettoit
ala place des idées.
29 Quand on Explique, par Exemple, pourquoy les plantes naissent, croissent, et seconservent,
et que lon donne pr cause deces effets
une ame vegetative qui se trouve dans
toutes les plantes, on allegue bien unecause
decet effet, mais une cause qui nest point
recevable parcequelle necontient rien
par ou ie puisse comprendre coment la
vegetation dont ie cherche la cause,
s’opere, car cette ame vegetative etant
posée, ie n’entens point dela pourquoi
la plante que ie considere aplutost une
telle structure que toute autre, ni
coment G: cette ame peut agir sur la matiere et en former cette ame peut former une machine telle quecelle Here we find a note which says to insert a passage to be found fol. 46v that begins as follows: §. XI. le principe de la raison &cc. page 16. de cette plante. [46v/16]
§. XI.
30Le principe dela raison sufisante est encore le fondement des regles et des
coutumes qui nesont fondées que sur
cequ’on apelle convenance car les memes homes peuvent suivre des coutumes diferentes
ils peuvent determiner leurs actions en
plusieurs manieres, etlorsqu’on choisit
preferablement ad’autres celles ou il y
ale plus deraison, laction devient bone [45/47r/17] et ne sauroit etre blamée, mais on la nome deraisonable desqu’il yavoit des raisons
sufisantes pr ne la point comettre, etc’est
sur les memes principes quel’on peut prononcer
quune coutume est meilleure que l’autre,
cestadire quand elle aplus deraison Here we find a note which says to insert a passage to be found fol. 48r that begins as follows: de ce grand axiome &ce page 18. deson coté. [46/48r/18]
§. XII.
31Marginal note in the hand of Samuel König: qui etablit la Majeste et la grandeur de l’univers, et qui montre L’jnsuffisance de tous ces premiers Elemens, & les matieres similaires que Les Philosophes avoient inventé pour rendre raison de l’origine des corps, les changemens et des formes qu’jls voioient dans Le mondeDe cegrand axiome d’une raison sufisante il en nait un autre que Mr. deleibnits apelle le principe des indicernables
ce principe banit delunivers toute matiere similaire, car s’il
y avoit deux parties de
matiere absolument similaire
et semblable, ensorte qu’on peut
mettre l’une alaplace del’autre
sans quil arrivat
lemoindre changemt, (car c’est
ce qu’on entend par entieremt semblable)
il ni auroit point de raison sufisante pourquoi lune deces [47/49r/19] particules seroit placée dans la lune, p E, et l’autre sur laterre
puis qu’en les changeant et mettant
celle qui est dans lalune sur laterre
et celle qui est sur laterre dans
lalune toutes choses demeureroient
les memes, on est donc obligé de
reconnoitre que les moindres parties
dematiere sont discernables et que
chacune est infiniment diferente
detoute autre, et quelle ne pouroit
etre employée dans une autre place
que celle qu’elle ocupe sans deranger
tout lunivers, chacune étant
destinée afaire leffet qu’elle produit
d’ou nait cette diversité infinie qui
se trouve entre deux grains desable
come entre notre globe et celui
desaturne, et qui ns fait voir
que la sagesse du Createur n’est pas moins admi
rable dans le plus petit etre que
dans le plus grand.
32 Cette infinie diversité delanature se fait sentir ans aussi loin que laportée de nos organes peut s’etendre, mr. de [49v/20] leibnitz qui avança lepremier cette verité
eut leplaisir delavoir confirmer
parles yeux meme deceux qui la
nioient dans une promenade avec
Read: madame me lelectrice d’hanover dans le jardin d’heurenausen car ce philosophe ayant assuré qu’on
ne trouveroit jamais deux feüilles
entieremt semblables dans la
quantité presqu’innombrable de
celles qui les Entouroient, plusieurs
Courtisans qui etoient presens
passerent inutilemt une partie
deleur journée dans cette recherche,
et
ils ne purent jamais trouver deux feuilles
qui neussent des diferences sensibles
meme al’oeil.
33 Il y a d’autres objets queleur petitesse ns fait voir come semblables parce
que ns les voyons confusement
mais les microscopes ns decouvrent
leurs diferences, ainsi les experiences qui
meme nesont pas necessaires ala
verité dece principe leconfirment
encore. [48/50r/22]
§. XIII.
34De l’axiome d’une raison sufisante decoule encore un autre
principe dune grande fecondité dans la
phisique qu’on apelle laloy decontinuité, c’est encore amr. deleibnits que ns somes redevables, dece principe
qui est dune grande fecondité dans laphisique
cest lui qui ns enseigne
que rien ne se fait par sauts dans lanature
et quun etre ne passe point dun etat
a un autre sans passer par tous les diferens
Etats qu’on peut concevoir entre deux.
35 Le principe de la raison sufisante prouve aisemt cette verité, car
chaque Etat dans lequel un etre se
trouve doit avoir saraison sufisante
pourquoi cet etre se trouve dans cet etat plutost que dans tout autre,
et cette raison ne
peut se trouver que dans l’etat antecedent,
cet etat antecedent contenoit donc
quelque chose qui a fait naitre letat
actuel qui la suivi ensorte que ces
deux Etats sont tellemt liées ensemble
quil est impossible de mettre un autre
Etat entre deux, car G: sil etoit possible que sil y avoit un etat possible entreletat
actuel et celui qui la precede immediatemt [50v/23] la nature auroit quitté lepremier Etat sans etre encore determinée par
lesecond a abandoner lepremier, il
ni auroit donc point deraison sufisante
pourquoi elle passeroit plutost a cet
etat qu’a tout autre Etat possible, ainsi
lanature ne passe point d’un état a
un autre sans passer par les etats
intermediaires, dememe que l’on
ne va point dune ville dans une
autre sans parcourir le chemin
qui est entre deux.
36 Dans la geometrie ou tout se fait dans le plus grand ordre, on voit
que cette regle s’observe avec une
Extreme Exactitude car tous les changems
qui arrivent dans les lignes qui sont une,
cest adire dans une ligne qui est la
meme, ou dans celles qui
font un seul etmeme tout, tous ces
changemens dis je ne se font quaprés
que la figure a passé par tous les changems
possibles qui conduisent aletat qu’elle
aquert, ainsi une ligne qui est [49/51r/24] concave vers un axe come la ligne AC vers laxe AD nedevient
pas tout d’un coup convexe sans passer par
tous les Etats qui sont entre la concavité
etla convexité, et par tous les degrés qui
peuvent mener del’un al’autre, ainsi la
concavité comence par diminuer par des degrés
infinimt petits jusques au point B oula
ligne nest ni concave ni convexe, on nome ce point
le point dinflexion, c’est ace point que la
concavité finit etquela convexité comence
et il se forme a ce point B une ligne infinimt petite
paralele a laxe AD, passé le point B la
convexité comence et s’accroit par des degrés
infiniment petits come le savent les matema
ticiens.
37 Les points derebroussement qui se trouvent dans plusieurs courbes, et qui paroissent violer
cette loy de continuité Read: parceque parque laligne paroit se terminer subitemt ence point et rebrousser
en un sens contraire ne la violent cependant
point, car on peut faire voir qu’a ces
points derebroussement il se forme des noeuds
come dans la fig. dans lesquels on voit Evidemt [51v/25] que laloy decontinuité est suivie, car ces noeuds Etant serrés al’infini, prennent
ala fin la forme d’un point.
38 On ne retrouve point la loy de continuité dans les figures batardes, desquelles on
ne peut pas dire qu’elles forment un veritable
tout, parcequelles n’ont point Eté produites
par lameme loy, mais composées deplusieurs
pieces, come si on ajoutoit a un arc de
cercle AB une ligne droite BC pr faire
une seule figure ABC, et ces figures violent
la loy de continuité parceque la loy
par laquelle on decrit le cercle AB cesse
en B et ne contient rien en elles qui puisse
faire naitre laligne BC mais aupoint B
une autre loy comence selon laquelle laligne
BC est decrite, Et cette secondeloy n’a nul
raport a la premiere qui afait decrire
le cercle AB.
39 Il arrive dans lanature lameme chose que dans lageometrie, aussi netoitce
pas sans raison que platon apelloit le
createur, l’eternel geometre, ainsi il ni a [50/52r/26] point d’inflexion ni de rebroussemens subits dans la nature, mais il y adela
gradation dans tout, ettout seprepare
deloin aux changemens qu’il doit subir,
et va par nuances aletat quil doit subir
ainsi un rayon delumiere qui sereflechit sur un miroir ne rebrousse
point subitement etne fait
point un angle pointu au point desa
reflexion, mais il passe a la nouvelle
direction quil prend en se reflechissant
par une petite courbe qui leconduit insensi
blemt et par tous les degrés possibles
qui sont entre les deux points extremes
delincidence etdela reflexion
ainsi il ni a point dangles propremt dits dans lanature
il en est de meme dans la refraction, la
rayon de lumiere ne se rompt point au point qui
separe le milieu quil penetre et celui quil
abandonne, mais il comence asinflechir avant
davoir penetré dans lenouveau milieu, et
le comencemt desa refraction
est une petite courbe qui separe les deux
lignes droits quil decrit entraversant
deux milieux heterogenes et contigus. [52v/27]
§. XIV.
40C’est par cette loy decontinuité que l’on peut trouver etdemontrer les veritables
loix dumouvemt, car un corps qui semeut
dans une direction quelquonque ne sauroit
se mouvoir dans une direction oposée
sans passer deson premier mouvemt aurepos
par tous les degrés intermediaires pr
repasser ensuite par des degrés insensibles du repos aunouveau
mouvemt quil doit Eprouver.
41 Cette loy demontre quil ni apoint de corps
parfaitemt durs dans lanature, car
dans le choq des corps parfaitemt durs
cette gradation ne sauroit avoir lieu
parce que les corps durs passeroient tout
dun coup du repos au mouvemt, et du
mouvemt dans un sens au mouvemt en
sens contraire, ainsi cela ns prouve
que tous les corps ont un degré d’elasticité
qui les rend capable desatisfaire acette
loy decontinuité que lanature ne viole
jamais.
There is no §. XV. in the manuscript.§. XVI.
42Il suit Read: de ce que de que ie viens de dire quelorsque deux choses saprochent
continuellemt lune delautre
ensorte quelles se confondent lensemble et deviennent ala fin les memes ou identiques. [51/56r/28]
43 Les proprietés de ces choses doivent changer dans la meme gradation queleurs determinations.
44 La geometrie fournit une infinité dexemples qui confirment et éclaircissent
cette regle, l’elipse etlaparabole
par Exemple sont des lignes fort diferentes
mais lorsqu’on fait varier les determinations
delelipse pr les faire aprocher de celles dela parabole
les proprietés delelipse doivent aussi varier
continuellemt etsaprocher decelles dela
parabole jusqu’a cequenfin elles deviennent
les memes, ainsi un des foyers de l’elipse
demeurant immobile, si l’autre s’en Eloigne
continuellemt les nouvelles Elipses qui
seront engendrées aprocheront continu
ellemt dela parabole, etelles coïncideront
enfin avec laparabole lorsque ladistance
des foyers sera devenuë infinie, par
consequent toutes les proprietés dela
parabole conviendront aune Elipse
dont les foyers sont infiniment Eloignés
et lon peut considerer la parabole come
une Elipse dont les foyers sont infinimt
distants, cest parle meme principe
quun mouvemt decroissant devient enfin
du repos, et que l’inegalité toujours diminuée [56v/29] se change en Egalité, desorte meme quon peut considerer lerepos come un
mouvemt tres petit, etl’egalité come
une inegalité infinimt petite
toutes les fois donc que cette continuité
devenemt na pas lieu ondoit conclure quil
ya des defauts dans leraisonemt dont
on s’est servi.
§. XVII.
45Descartes par Read: Exemple Exemples auroit reformé ses loix du mouvemt sil
y avoit fait plus d’attention, il comenca
par Etablir pr, [...] regle, que deux
corps Egaux qui
se choquent avec des vitesses Egales doivent
retourner en arriere avec lameme vitesse
et cela est tres vray car ny ayant point
deraison pourquoi lun des 2 continueroit
son chemin plutost que l’autre, et
ces corps ne pouvant penetrer les dimensions
lun del’autre, ni demeurer en repos parceque
la force se perdroit, ce qui nepeut
arriver, il faut necessairemt quils
retournent tous deux en arriere [57r/30] avec lameme vitesse avec laquelle ils s’etoient choqués.
46 Mais la seconde loy du mouvemt dem.r descartes et presque toutes les autres sont fausses parce qu’elles violent le principe
dela raison sufisante, car laseconde,
P E, veut que si 2 corps B et C se
rencontrent avec des vitesses Egales
mais que le corps B soit plus grand que lecorps
C, alors le seul corps C retournera
en arriere et le corps B continuera
sonchemin tous deux avec lameme
vitesse qu’ils avoient avant le choq
cette regle est dementie par lexperience
et elle est fausse parcequ’elle ne sacorde
point avec la premiere, car en
diminuant toujours l’inegalité
des corps levenemt qui est une
suite delinegalité doit toujours
saprocher delevenemt Read: produit pro duit par leur Egalité en sorte que diminuant toujours leplus [57v/31] grand corps sa vitesse doit diminuer aussi et enfin devenir nulle
quand onsera parvenu a une certaine
proportion entre B et C passé
lequel point linegalité Etant absolument
Evanoüie L’evenement
produit par legalité comencera
cest adire qualors le mouvemt comencera
dans le sens contraire et le corps s’en
retournera en arriere avec lameme
vitesse, selon la premiere regle
de mr. descartes, mais laseconde mistakenly repeated in the manuscript ne peut avoir lieu car selon
cette seconde loy on a beau diminuer
la grandeur de B et la faire aprocher
de C en sorte que la diference soit
presqu’inassignable les Evenemens demeure
ront cependant tres diferens et
ne saprocheront point lun alautre
cequi est entierement contraire a laloy decontinuité,
car lorsque linegalité vient acesser
entierement levenemt [53/58r/32] fait ungrand saut puisque le mouvemt ducorps B change tout a coup de direction
passant tous les cas
intermediaires come
par un saut tandis
qu’il ne se fait quun
changemt imperceptible
dans la grandeur de
cecorps qui est cependant
lacause du grand
changemt qui arive
dans ladirection
deson mouvemt ainsi
leffet est alors plus grand
que la cause.
47 On voit par Cet Exemple combien il est important dese
rendre attentif acette loy
decontinuité et dimiter
encela la nature qui nel’enfreint
jamais dans aucune de ses
operations.
How to cite:
CHAPTER ONE, Version H. In: Du Châtelet, Émilie: Institutions de physique. The Paris Manuscript BnF Fr. 12265. A Critical and Historical Online Edition.
Edited by Ruth E. Hagengruber, Hanns-Peter Neumann, Aaron Wells, Pedro Pricladnitzky, with collaboration of Jil Muller. Center for the History of Women Philosophers and Scientists, Paderborn University, Paderborn.
Version 1.0, April 10th 2024, URL: https://historyofwomenphilosophers.org/dcpm/documents/view/chapter_one/version/h/rev/1.0