CHAPTER FOUR

Fourth Chapter (Version G: First Printed Version, Paris 1740)

CHAPITRE IV

Des Hipotheses

§. 53.

1[74] LEs véritables causes des effets naturels & des Phénomenes que nous observons, sont souvent si éloignées des principes sur lesquels nous pouvons Paragraph summary: Utilité des probabilités dans la Physique nous appuyer, & des Expériences que nous pouvons faire, qu’on est obligé de se contenter de raisons probables pour les expliquer: les probabilités ne sont donc point à rejetter dans les sciences, non seulement parce qu’elles sont souvent d’un grand usage dans la pratique, mais encore parce qu’elles frayent le chemin qui méne à la verité.

2[75] §. 54. Il faut un commencement dans toutes les recherches, & ce commencement doit presque toujours être une tentative très-imparfaite, & souvent sans succès. Il y a des verités Not in H inconnuës comme des pays, dont on ne peut trouver la bonne route qu’après avoir essayé de toutes les autres. Ainsi, il faut nécessairement que quelques-uns risquent de s’égarer, pour marquer le bon chemin aux autres: ce seroit donc faire un grand tort aux sciences, & Paragraph summary: Utilité des hipotheses retarder infiniment leurs progrès que d’en bannir avec quelques Philosophes modernes, les hipotheses.

3§. 55. Descartes qui avoit établi une bonne partie de sa Philosophie sur des hipotheses, parce qu’il étoit presqu’impossible de faire autrement H: de dans son tems, mit tout le Monde sçavant dans Paragraph summary: Abus des hipotheses par les disciples de M. Descartesle goût des hipotheses; & l’on ne fut pas longtems sans tomber dans celui des fictions. Ainsi, les livres de Philosophie qui H: doivent devoient être un recueil de verités, furent remplis de fables, & de rêveries.

4 H: D’autres sont tombés M. Newton, & surtout ses disciples, ont tombé dans l’excès contraire: Maringal note: Les disciples de M. Newton sont tombés dans le défaut contraire dégoutés des suppositions, & des erreurs dont ils trouvoient les livres de Philosophie remplis, ils se sont elevés contre les hipotheses, & ont tâché de les rendre suspectes & ridicules, en les appellant, le poison de la raison, & la peste de la Philosophie. Cependant, celui-là seul qui seroit en [76] état d’assigner & de démontrer les causes de tout ce que nous voyons, seroit en droit de bannir entierement les hipotheses de la Physique; mais pour nous autres, qui ne semblons pas faits pour de telles connoissances, & qui ne pouvons souvent arriver à la verité qu’en nous traînant de vraisemblance en vraisemblance, il ne nous appartient pas de prononcer si hardiment contre les hipotheses.

5 Paragraph summary: Comment on fait une hipothese§. 56. H: Lorsqu’onLorsque l’on prend certaines choses pour rendre raison de ce qu’on observe, & H: qu’on que l’on n’est pas encore en état de démontrer la verité de ces choses que l’on a supposées, on fait une hipothese. Ainsi, les Philosophes établissent des hipotheses pour expliquer par leur moyen les Phénomenes dont nous ne sommes point en état de découvrir la cause par l’Expérience, ni par la démonstration.

6§. 57. Pour peu qu’on se rende attentif à la Paragraph summary: Les hipotheses sont le fil qui nous a conduit aux plus sublimes découvertes façon dont les plus sublimes découvertes ont été faites, on verra que l’on n’y est parvenu qu’après avoir fait bien des hipotheses inutiles, & ne s’être point rebuté par la longueur Not in H & l’inutilité de ce travail; car les hipotheses sont souvent le seul moyen de découvrir des verités nouvelles, qui soit à notre portée; il est vrai que F: ce le moyen est lent, & demande un travail d’autant plus pénible, que l’on est longtemps sans pouvoir s’assurer s’il sera utile ou infructueux: [77] de même que H: lorsqu’on lorsque l’on fait une route inconnuë, & que l’on trouve plusieurs chemins, ce n’est qu’après avoir marché long-temps, H: qu’on que l’on peut s’assûrer si l’on a pris la bonne route, ou si l’on s’est égaré: mais si l’incertitude dans laquelle on est, lequel de ces chemins est le bon, étoit une raison pour n’en prendre aucun, il est certain qu’on n’arriveroit jamais; au lieu que lorsqu’on a le courage de se mettre en chemin, on ne peut douter que de trois chemins, dont deux nous ont égaré, le troisiéme nous conduira infailliblement au but.

7 C’est de cette maniere que l’Astronomie a Paragraph summary: Sans hipothese on auroit fait peu de découvertes dans l’Astronomie été portée au point où nous l’admirons aujourd’hui; car si l’on avoit voulu attendre pour calculer le cours des Astres, que l’on eût trouvé la véritable théorie des Planetes, nous serions actuellement sans Astronomie.

8 La premiere idée de ceux qui se sont appliqués à cette science, aussi bien que celle de tous les hommes, a dû être que le Soleil & tous les Astres tournoient autour de la Terre en vingt-quatre heures. On commença donc à expliquer, & à prédire les Phénomenes par cette hipothese que l’on a appellé l’hipothese de Ptolomée, jusqu’à ce que les difficultés insurmontables H: qui naissoient des des conséquences que l’on en tiroit, Paragraph summary: C’est à elles que l’on doit le véritable systéme du Monde comparées avec les observations, & l’impossibilité de construire selon cette hipothese des tables qui fussent d’accord avec les Phénomenes du Ciel, porterent Copernic à l’abandon [78] ner entierement, & à s’attacher à l’hipothese contraire; laquelle se trouve tellement d’accord avec les Phénomenes, que sa certitude n’est pas loin à présent de la démonstration; & qu’il n’y a aucun Astronome qui ose adopter celle de Ptolomée.

9§. 58. Les hipotheses doivent donc trouver place dans les sciences, puisqu’elles sont Paragraph summary: Elles donnent souvent l’idée de faire de nouvelles expertiences très-utiles propres à nous faire découvrir la verité, & à nous donner de nouvelles vûes; car une hipothese étant une fois posée, on fait souvent H: pour la vérifier des expériences des expériences pour s’assûrer si elle est la bonne, dont on ne se seroit jamais avisé sans cela. Si l’on trouve que ces expériences la confirment, & que non seulement elle rende raison du Phénomene qu’on s’étoit proposé d’expliquer par son moyen, mais encore que toutes les conséquences qu’on en tire s’accordent avec les observations, la probabilité croît à un tel point, que nous ne pouvons lui refuser notre assentiment, & qu’elle équivaut presque à une démonstration.

10 L’exemple des Astronomes peut encore servir Not in H merveilleusement à éclaircir cette matiere; car on est H: parvenu venu à déterminer les véritables orbites des Planetes, en supposant d’abord qu’elles faisoient leurs révolutions dans des cercles dont le Soleil H: étoit suposé occuper occupoit le centre: mais la variation de leur vîtesse & leurs diametres apparens étant contradictoires à cette hipothese, on supposa qu’elles H: faisoient leurs Révolutions se mouvoient dans des cer [79] cles excentriques, c’est-à-dire dans des cercles dont le Soleil n’occupoit point le centre. Cette supposition qui satisfaisoit assez bien aux mouvemens de la Terre, s’éloignoit beaucoup de ce H: qu’on que l’on observe de la Planete de Mars; & pour y remedier, on chercha à faire une nouvelle correction à la H: courbe qu’on supposoit que courbe que les Planetes décrivent dans leur révolution annuelle. Cette façon de proceder réussit si bien, qu’enfin Kepler allant de supposition en supposition, trouva leur véritable orbite, qui satisfait admirablement à toutes les apparences, & cet orbite est une Ellipse dont le Soleil occupe un des foyers.

11 C’est par le moyen de cette hipothese de l’Ellipticité des orbites que Képler parvint à découvrir la proportionnalité des aires & des tems, & celle des tems & des distances; & ce sont ces deux fameux théorêmes, qu’on appelle les Analogies de Képler, qui ont mis M. Newton à portée de démontrer que la supposition de l’Ellipticité des orbes des Planetes s’accorde avec les loix de la Méchanique, & d’assigner la proportion des forces qui dirigent les mouvemens des Corps Célestes.

12 Il est donc évident que c’est aux hipotheses successivement faites & corrigées que nous sommes redevables des belles Not in H & sublimes connoissances dont l’Astronomie & les sciences qui en dépendent sont à présent remplies; & l’on ne voit point comment il auroit été possible [80] aux hommes d’y parvenir par un autre moyen.

13 C’est par ce même moyen que nous sçavons Paragraph summary: C’est par le moyen des hipotheses que M. Hughens a découvert que Saturne étoit entouré d’un anneau aujourd’hui que Saturne est entouré d’un anneau qui réfléchit la lumiere, & qui est séparé du corps de la Planete, & incliné à l’Ecliptique: car M. Hughens qui l’a découvert le premier, ne l’a point observé tel que les Astronomes le décrivent à présent; mais il en observa plusieurs phases, qui ne ressembloient quelquefois à rien moins qu’à un anneau; & comparant ensuite les changemens successifs de ces phases, & toutes les observations qu’il en avoit faites, il chercha une hipothese qui pût y satisfaire, & rendre raison de ces différentes apparences. Celle d’un anneau réussit si bien, que par son moyen, non seulement on rend raison des apparences, mais on prédit encore les phases de cet anneau avec H: précision; & cet accord précision.

14 Cet accord entre l’hipothese & les observations ont enfin converti cette supposition de M. Hughens en certitude; & l’on ne doute plus à présent que cet anneau ne soit très-réel: ainsi, les hipotheses nous ont valu cette belle découverte de l’anneau de Saturne.

15 On peut en dire autant de l’ingénieuse explication que le même M. Hughens a donné des Halos, c’est-à-dire, de ces especes de couronnes colorées qui paroissent quelquefois autour des Astres. Personne avant lui n’avoit imaginé quelle pouvoit être la cause de ces Phénomenes; mais M. Hughens, après plusieurs [81] suppositions inutiles, trouva enfin qu’en supposant dans l’air des grains de grêle glacés avec un noyau de neige au milieu, on pouvoit rendre raison de toutes les circonstances qui accompagnent ces Phénomenes; & H: cette explication y satisfait avec tant d’exactitude de qu’elle est à présent universellement adoptée personne ne s’est avisé de révoquer cette explication de M. Hughens en doute.

16 §. 59. H: Les Hypothèses sont si nécessaires que sans elles on ne pourroit faire la plupart des opérations que l’on fait sur les nombres. La Il en est de même dans les nombres: la division, par exemple, n’est fondée que sur des hipotheses, & sans hipothese, Paragraph summary: La division n’est fondée que sur des hipotheses vous ne pourriez diviser; car lorsque vous commencez la division, vous supposez que le diviseur est contenu dans le dividende autant de fois que le premier chifre du diviseur est contenu dans le premier chifre, ou dans les deux premiers chifres du dividende; & alors vous vérifiez cette supposition en multipliant le diviseur par le quotient, & en soûtrayant du dividende le produit de cette multiplication. Si vous trouvez que cette soustraction ne peut Not in H point se faire, vous concluez que vous avez trop mis au quotient; & alors vous le H: corrigez, ainsi corrigez. Ainsi, toute cette operation se fait par le moyen des hipotheses.

17 §. 60. Paragraph summary: Les hipotheses sont non seulement très-utiles, mais même quelquefois très-nécessaires Il est donc permis, & il est même très-utile de faire des hipotheses dans tous les cas, où nous ne pouvons point découvrir la véritable raison d’un Phénomene & des circonstances qui l’accompagnent, ni a priori, par le [82] moyen des vérités que nous connoissons déja; ni à posteriori, par le secours des Experiences.

18 §. 61. Paragraph summary: Comment il faut se conduire, quand on fait une hipothese Il y a sans doute des regles à suivre; & des écueils à éviter dans les hipotheses. La premiere de toutes est, H: qu’elles ne soient qu’elle ne soit point en contradiction avec le principe de la raison suffisante, ni avec aucun de ceux qui servent de fondement à nos connoissances. La seconde regle est de se bien assûrer des faits qui sont à notre portée, & de connoître toutes les circonstances qui accompagnent le Phénomene que nous voulons expliquer. Ce soin doit préceder toute hipothese inventée pour en rendre raison; car celui qui hazarderoit une hipothese sans H: ces précautions cette précaution, coureroit Not in H le risque de H: trouver son explication inutile, parce que les faits qu’il auroit voulu expliquer seroient faux, ou de la voir renverser voir renverser son explication par des faits nouveaux dont il avoit négligé de s’instruire; H: ainsi, par exemple, c’est ce qui seroit arrivé à celui qui auroit voulu rendre raison de l’Electricité, après avoir vû Not in H seulement que la cire d’Espagne, frottée avec force, attire H: les corps légers, auroit donné une explication très-insuffisante de cephénomène, puisqu’en frottant de même la plupart des autres corps ils s’électrisent; ainsi l’explication qu’on auroit donc de l’électricité après avoir vu seulement que la cire d’Espagne s’électrise, auroit été précipitée des brins de papier: car il lui étoit facile de faire sur les autres corps ce qu’il faisoit sur la cire d’Espagne; & en les frottant de même, ils auroient été aussi électrisés. Ainsi, l’explication de l’électricité de la cire d’Espagne seule eût été insuffisante & précipitée.

19 Mais H: lorsqu’on s’est bien assûré de la vérité du fait dont on cherche la cause, & qu’on peut se flater de connaitre le plus grand nombre des circonstances qui l’accompagnent, lorsque l’on peut se flatter de connoître le plus grand nombre des circonstances qui accompagnent un Phénomene, alors on peut [83] en chercher la raison par des hipotheses, au hazard sans doute de se corriger, & d’être corrigé bien souvent: mais ces efforts que l’on fait pour trouver la vérité sont toujours glorieux, quand même il seroient sans fruit.

20 §. 62. Les hipotheses n’étant faites que pour Paragraph summary: Ecueil à éviter dans les hipotheses découvrir la vérité, on ne les doit point faire passer pour la vérité elle-même, avant d’en pouvoir donner des preuves incontestables. Il est donc très-important pour le progrès des sciences, de ne point se faire illusion à soi-même & aux autres sur les hipotheses que l’on a inventées, mais il faut estimer le degré de probabilité qui s’y trouve, & n’en jamais imposer par des détours & un air de démonstration, qui n’a que trop souvent fait prendre le change aux personnes qui cherchent à s’instruire.

21 Avec cette précaution on ne F: Handwritten correction from coure to court H: court coure point le danger de faire prendre pour certain ce qui ne l’est pas; & l’on excite ceux qui nous suivent à corriger les défauts qui se trouvent dans nos hipotheses, & à suppléer ce qui leur manque pour H: être les rendre certaines.

22 §. 63. La plûpart de ceux qui depuis Descartes, ont F: Handwritten correction from remplis to rempli H: rempli remplis leurs Ecrits d’hipotheses, pour expliquer des faits, que bien souvent ils ne connoissoient qu’imparfaitement, ont péché contre cette regle, & ont voulu faire passer leurs suppositions pour des vérités: & c’est [84] là en partie la source du dégoût que l’on a pris pour les hipotheses dans ce siecle. Mais l’abus d’une chose utile ne lui ôte point son utilité, H: & il ne doit & ne doit point nous empêcher d’en faire usage, quand H: on peut le faire on le peut faire avec fruit.

23 §. 64. Paragraph summary: Une seule experience contraire, suffit pour rejetter une hipothese Une experience ne suffit pas pour admettre une hipothese, mais une seule suffit pour la rejetter lorsqu’elle lui est contraire. Il suit, par exemple, de l’hipothese, dans laquelle on suppose que le Soleil se meut autour de la Terre qui lui sert de centre, que les diametres du Soleil doivent être égaux dans tous les tems de l’année; mais l’experience montre qu’ils paroissent inégaux. On peut donc H: conclure, avec sureté, de cette seule observation conclure de cette observation, avec sûreté, que l’hipothese dont cette égalité est une conséquence, est fausse; & que la Terre n’occupe point le centre de l’orbe du Soleil.

24 Paragraph summary: Une hipothese peut être vraye dans une de ses parties & fausse dans l’autre §. 65. Une hipothese peut être vraie dans une de ses parties, & fausse dans l’autre: alors la partie qui se trouve en contradiction avec l’experience, doit être corrigée.

25 Mais il faut bien prendre garde de ne mettre dans la conclusion que ce qui doit y être; & de ne point charger l’hipothese entiere d’un défaut qui ne tombe que sur l’une de ses parties. Par exemple, M. Descartes a attribué la chûte des Corps vers le centre de la Terre, à un tourbillon de matiere fluide qui pousse les [85] Corps vers ce centre par son tournoyement rapide autour de la Terre: mais M. Hughens a fait voir par une experience incontestable, que selon cette supposition, les Corps devroient être dirigés dans leur chûte perpendiculairement à l’axe de la Terre, & non pas à son centre: l’on peut donc conclure de là, qu’un tourbillon de matiere fluide, tel que M. Descartes l’a conçû, Paragraph summary: Preuve tirée des tourbillons de Descartes ne sçauroit produire la chûte des Corps vers le centre de la Terre; mais on se précipiteroit trop, si on en vouloit conclure qu’aucune matiere fluide n’opere le Phénoméne de la chûte des Corps. Il en est de même des autres tourbillons, qui, selon M. Descartes, emportent les Planetes autour du Soleil; car M. Newton a fait voir que cette supposition ne s’accorde point avec les loix de Képler. On en doit donc inferer que les mouvemens des Planetes ne sont point l’effet des tourbillons de matiere fluide que M. Descartes avoit supposés pour les expliquer: mais on ne peut point en conclure légitimement, qu’aucun tourbillon, ou plusieurs de ces tourbillons, conçûs d’une autre maniere, ne peuvent être la cause de ces mouvemens.

26 §. 66. Ainsi, quand on fait une hipothese, on doit H: tirer déduire toutes les conséquences qui peuvent en être légitimement déduites, & les comparer ensuite avec l’experience; car s’il arrive que toutes ces conséquences soient confir [86] mées par les experiences, la probabilité acquiert son plus haut degré: mais s’il y en a une seule à laquelle elles soient contraires, on doit rejetter, ou l’hipothese entiere, si cette conséquence est une suite de l’hipothese entiere, ou cette partie de l’hipothese dont elle est une suite nécessaire.

27 Les Astronomes nous donnent encore l’exemple de cette regle; car une infinité de découvertes n’auroient point été faites dans l’Astronomie, si l’on n’avoit point cherché à vérifier par l’experience les conséquences que l’on tiroit des hipotheses. Il suit, par exemple, de l’hipothese de Copernic, que si la distance d’une Etoile à la Terre a une raison comparable au diametre de son orbite, la hauteur du pole & des Etoiles Fixes doit varier dans les différens tems de l’année. Le desir de verifier cette conséquence, a porté plusieurs Astronomes à faire des observations sur cette Parallaxe annuelle, ou hauteur des fixes; entre’autres, M. Bradley, entre les mains duquel cette conséquence s’est non-seulement confirmée, mais a fait naître encore cette belle théorie de l’aberration des Fixes, dont on ne se seroit jamais avisé H: sans cela auparavant.

28 §. 67. Paragraph summary: Définition des hipotheses Les hipotheses ne sont donc que des propositions probables qui ont un plus grand, ou un moindre degré de H: probabilité certitude, selon qu’elles satisfont à un nombre plus ou moins grand [87] des circonstances qui accompagnent le Phénomene que l’on veut expliquer par leur moyen; & comme un très-grand degré de probabilité entraîne notre assentiment, & fait sur nous presque le même effet que la certitude, les Paragraph summary: Ce qui les rend probableshipotheses deviennent enfin des H: vérités pour nous, verités, quand leur probabilité augmente à un tel point, H: qu’elle peut moralement passer qu’on peut la faire moralement passer pour une certitude: & c’est ce qui est arrivé au sistême du Monde de Copernic, & à celui de M. Hughens sur l’anneau de Saturne

29 Paragraph summary: Ce qui les infirme Une hipothese devient au contraire improbable, à proportion qu’il H: se s’y rencontre des circonstances dont cette hipothese ne rend point raison, H: & enfin elle devient fausse, lorsqu’elle est en contradiction avec une expérience bien constatée comme dans l’hipothese de Ptolomée.

30 §. 68. Quand on fait une hipothese, on doit avoir des raisons pour préferer la supposition sur laquelle elle est fondée, à toute autre supposition; car sans cela on débite des chimeres, & des principes précaires qui n’ont aucun fondement.

31 §. 69. Il est donc nécessaire, non-seulement que tout ce qu’on suppose soit possible, mais encore qu’il soit possible de la maniere qu’on l’employe; & que les Phénomenes en H: soient une suite nécessaire découlent nécessairement, & sans qu’on soit obligé de faire des suppositions nouvelles: H: autrement sans cela, la supposition ne merite pas le nom d’hipothe [88] se; car une hipothese est une supposition qui rend raison d’un Phénomene. Or quand elle n’en rend point raison par des conséquences nécessaires, & qu’on est obligé de faire des hipotheses nouvelles pour faire usage de la premiere, ce n’est qu’une fiction indigne d’un Philosophe.

32 §. 70. Si ceux qui ont voulu expliquer tant d’effets surprenans par le moyen des particules crochuës, branchuës, & canelées, avoient fait attention à ce qui est requis pour faire une hipothese véritablement philosophique, ils n’auroient point retardé comme ils ont fait, les progrès des sciences, en créant des monstres qu’il falloit ensuite combattre comme des réalités.

33 §. 71. En distinguant entre le bon & le Paragraph summary: Les hipotheses sont un des grands moyens de l’art d’inventer mauvais usage des hipotheses, on évite les deux extrémités, & sans se livrer aux fictions, on n’ôte point aux sciences une méthode très-nécessaire à l’art d’inventer, & qui est la seule qu’on puisse employer dans les recherches difficiles qui demandent la correction de plusieurs siecles, & les travaux de plusieurs hommes, avant d’atteindre à une certaine perfection; & l’on ne doit point craindre que par cette méthode la Philosophie devienne un amas de fables: car on a vû qu’on ne peut faire une bonne hipothese que lorsqu’on H: est bien assuré des faits qu’on veut expliquer, & qu’on connait le plus grand nombre des circonstances qui les accompagnent a un grand nombre des faits & des circonstances qui accompa [89] gnent le Phénomene qu’on veut expliquer, (§. 61.) & H: qu’enfin que l’hipothese n’est vraie & ne mérite d’être adoptée que lorsqu’elle rend raison Mistakenly repeated in F, G and Hde toutes H: ces les circonstances, (§. 66.). Les bonnes hipotheses seront donc toujours Paragraph summary: Les bonnes hipotheses ont toujours été faites par les plus grands hommes l’ouvrage des plus grands hommes. Copernic, Képler, Hughens, Descartes, Leibnits, Not in H M. Newton lui même, ont tous imaginé des hipotheses utiles pour expliquer des Phénomenes compliqués & difficiles; & les exemples de ces grands hommes & leur succès doivent nous faire voir combien ceux qui veulent bannir les hipotheses de la Philosophie, entendent mal les intérêts des sciences.

How to cite:

CHAPTER FOUR, Version G. In: Du Châtelet, Émilie: Institutions de physique. The Paris Manuscript BnF Fr. 12265. A Critical and Historical Online Edition.
Edited by Ruth E. Hagengruber, Hanns-Peter Neumann, Aaron Wells, Pedro Pricladnitzky, with collaboration of Jil Muller. Center for the History of Women Philosophers and Scientists, Paderborn University, Paderborn. Version 1.0, April 4th 2024, URL: https://historyofwomenphilosophers.org/dcpm/documents/view/chapter_four/version/g/rev/1.0